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Extra classe, pour accompagner les enseignants dans leurs pratiques pédagogiques et leur formation

Apprendre à écrire : de la maternelle... au lycée ! - Parlons pratiques ! #54

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51min |24/09/2025
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Apprendre à écrire : de la maternelle... au lycée ! - Parlons pratiques ! #54

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Description

Le geste d'écriture se construit dès la maternelle, mais son automatisation n'est pas acquise avant l'entrée au collège. Dans cet apprentissage au long cours, il existe quelques principes et méthodes éprouvés, mais aussi quelques habitudes contreproductives. Et puis il faut y consacrer du temps bien sûr, et souvent dès le cycle 3 on ne le travaille plus explicitement.
Comment enseigner l'écriture, la rendre efficace et fluide ? Comment la « réparer » chez des élèves qui ne l'ont pas acquise correctement au cours de leur scolarité ? Faut-il écrire bien ou vite ? Copier un texte est-il utile pour s'entraîner ? Et quel lien avec l'apprentissage de la lecture et la compréhension des textes ? Cet épisode vous donne des clés pour mieux appréhender cet apprentissage, du 1er au 2nd degré, et remet aussi en question quelques idées reçues.
Avec :
Florence Bara, professeure des universités en psychologie cognitive et développement, enseignante chercheuse à l’Inspé de Toulouse et membre du laboratoire Cognition Langues Langage. Ses recherches portent sur le processus d’apprentissage de la lecture et de l’écriture.
Mireille Wenner, professeure des écoles, référente REP+ et graphodidacticienne.

Les extraits que vous avez entendus sont issus des épisodes Extra classe :

Florence Bara, Jean-Luc Velay, Marie-Thérèse Zerbato-Poudou, Enseigner l'écriture, coll. « Mythes et réalités », Éditions Retz, 2025.

Chapitres :

00:00 Introduction
04:16 Le geste fondateur pour préparer l'écriture
21:53 Enseigner l'écriture : de bien écrire à écrire vite ?
33:44 Réparer l'écriture : les maux des mots
47:53 Inspirations

Extra classe sur toutes vos plateformes d'écoute :
https://smartlink.ausha.co/extra-classe

Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé
Émission préparée et animée par : Hélène Audard et Régis Forgione
Réalisée avec l'appui technique de : Julien Bonhomme et Natacha Dubois
Directrice de publication : Marie-Caroline Missir
Coordination et production : Hélène Audard, Magali Devance
Réalisation et mixage : Simon Gattegno
Remerciements aux Ateliers Canopé de Toulouse et de Montigny-lès-Metz
Contactez-nous sur : contact@reseau-canope.fr
© Réseau Canopé, 2025


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Hélène

    Bonjour chers poditeurs et poditrices d'Extra Classe, bienvenue dans un nouvel épisode Parlons Pratiques qui est consacré cette fois, et c'était écrit, à l'écriture.

  • Régis

    Après un épisode sur la lecture l'année dernière, à écouter sans hésiter en complément de celui-ci, logique de nous pencher cette fois sur l'apprentissage du geste d'écriture, les difficultés et remédiations possibles au cours de la scolarité.

  • Hélène

    Alors Régis, je te propose un petit test, une question piège. Tu dois répondre sans tricher. Et vous aussi qui nous écoutez, vous pouvez essayer d'y répondre de votre côté. Combien de temps as-tu passé aujourd'hui à écrire à la main ?

  • Régis

    Alors, en temps, je ne sais pas Hélène, mais j'utilise un bullet journal, un petit carnet de gestion de tâches et de prise de notes rapide au quotidien. C'est à peu près tout ce que j'écris. En gros, ça doit faire une feuille à cinq par jour. Mais honnêtement, tout le reste, on va dire 90% de mon écriture passe par clavier-écran. Et toi ?

  • Hélène

    Alors moi, je... Je pense que moins d'une heure, ça c'est sûr. J'ai pris quelques petites notes, j'ai mis mes idéaux clairs sur le papier. C'est à peu près tout, c'est surtout pour moi en fait.

  • Régis

    En tout cas, on est très loin d'un élève en classe qui passe entre 30 et 40% de son temps à écrire dans le premier degré et sûrement plus encore dans le second degré.

  • Hélène

    On comprend à quel point c'est crucial que ce geste d'écriture soit préparé, enseigné, entraîné au fil du temps. De la maternelle jusqu'à quand en fait ? Jusqu'au cycle 3. trois jusqu'au collège, au-delà ?

  • Régis

    Pour pas mal d'élèves, ça n'est pas complètement acquis à l'arrivée au collège en tout cas. C'est donc une question qui va vous intéresser, parents et enseignants qui nous écoutez, et qui aide confrontés à des élèves, à des enfants en difficulté avec l'écriture.

  • Hélène

    Avec nos invités Florence Bara et Mireille Wenner, nous reviendrons aux fondamentaux de l'apprentissage de l'écriture. Nous essaierons de déminer quelques idées reçues et de donner des pistes pour réparer les écritures. Et oui, c'est possible.

  • Régis

    Apprendre à écrire. de la maternelle au lycée, c'est parti !

  • Hélène

    Mireille Wenner, bonjour !

  • Mireille Wenner

    Bonjour !

  • Hélène

    Vous êtes professeure des écoles, actuellement référente REP+, et vous êtes également grapho-didacticienne, mais vous préférez dire que vous réparez les écritures, qu'est-ce que ça veut dire ?

  • Mireille Wenner

    Alors j'ai fait une formation... au geste d'écriture qui s'appelait une formation de rééducatrice en écriture. Et il s'est avéré que le mot rééducatrice correspondait plus au corps médical. Donc, on a dû changer de nom et c'était tout à fait justifié. Et donc, le nouveau nom, c'était gravedidacticienne. Mais moi, je trouve ça très académique parce que quand j'interviens avec des enfants, je préfère leur dire que je suis là pour réparer les écritures. Alors, je vais... C'est un peu comme du bricolage, parce que chaque élève est différent, chaque enfant est différent, l'écriture et la tenue, tout est assez différent. Et donc, moi je viens pour donner des pistes, des trucs pour réparer l'écriture.

  • Régis

    Laurence Bara, bonjour.

  • Mireille Wenner

    Bonjour.

  • Régis

    Vous êtes professeure des universités en psychologie cognitive et développement, enseignante chercheuse à l'INSPE de Toulouse et membre du laboratoire cognition langue-langage ergonomie, CLE, pour donner l'acronyme. Vous êtes co-autrice d'un ouvrage sorti tout récemment, « Enseigner l'écriture » , dans une collection qu'on aime tout particulièrement, « Mythe et réalité » aux éditions Retz. Pour vous aussi, question express et question qui gratte. Sachant que presque tout se passe aujourd'hui sur clavier-écran, honnêtement, est-ce que ça vaut encore le coup d'apprendre à écrire à la main ?

  • Florence Bara

    Alors oui, ça vaut le coup. Après, apprendre quel style d'écriture, comment l'apprendre, ça c'est des questions peut-être qu'on abordera. Et ensuite, ce n'est pas parce qu'on ne fait plus quelque chose en tant qu'adulte. que c'est inutile de l'apprendre quand on est enfant. C'est vraiment deux choses complètement séparées. Et autre chose que je peux ajouter, effectivement, un adulte va écrire la majorité du temps avec un clavier. Donc, c'est essentiel aussi d'apprendre à écrire au clavier. Et ça, c'est une question qui est finalement peu posée. Donc oui, il faut continuer à apprendre à écrire parce que ça permet aussi de construire un réseau lecture-écriture. Ça permet de mieux reconnaître les lettres, d'apprendre à les tracer. Et en même temps, il faudrait peut-être aussi envisager d'apprendre à dactylographier.

  • Régis

    Allez, on entre dans le vif du CG de l'émission avec la première partie, le geste fondateur pour préparer l'écriture. Alors dans cette partie, on va se demander, en tout cas on va essayer de comprendre pourquoi et comment l'écriture se construit, évidemment dès la maternelle, et en quoi ce geste physique conditionne la suite. Peut-être en commençant par vous, Madame Bara, comment est-ce qu'on apprend à écrire à l'école en France ? Peut-être d'une manière plus générale, comment sont formés les

  • Florence Bara

    Alors, comment est-ce qu'on apprend à écrire ? Déjà en France, on apprend à écrire très précocement. Ce n'est pas le cas de tous les pays. On a une scolarisation précoce et un apprentissage de l'écriture très précoce. On commence à préparer les prérequis à l'écriture dès la petite section, avec toutes les habiletés de motricité fine, de coordination visiomotrice. Donc on est sur un apprentissage très progressif. On sait que l'apprentissage de l'écriture, c'est quelque chose de complexe, qui se met en place pendant de nombreuses années. Donc on est plutôt sur l'idée d'un apprentissage très précoce. Avec un apprentissage qui va partir des lettres de capitale en capitale d'imprimerie qu'on estime plus facile à produire, pour aller vers les lettres en cursive qui nécessitent des gestes beaucoup plus complexes. Et puis cet apprentissage va se poursuivre après en CP, dans les premières années de primaire, et puis va s'affiner, s'automatiser petit à petit tout au long de l'école primaire. Alors comment sont formés les enseignants pour apprendre l'écriture ? Je dirais quand même assez peu. Tout comme le temps consacré à l'écriture est assez faible en classe. Je crois qu'il y avait la recherche « Lire-écrire » coordonnée par Roland Guagou qui montrait que les activités d'écriture, c'était deux heures et demie par semaine en classe. Parmi ça, il y avait à peu près une cinquantaine de minutes de copie et un quart d'heure à peu près autour de la calligraphie. Donc c'est des activités qui prennent quand même assez peu de place en classe, même si on utilise par contre l'écriture très souvent, en tout cas le temps consacré à son enseignement. est faible et du coup je dirais peut-être en proportion le temps consacré à la formation des enseignants sur cette question est aussi assez faible.

  • Hélène

    Et là j'imagine qu'on parle en plus des premières années, à la fois la fin de la maternelle et puis les premières années CP, CE1 et que par la suite ça décroît encore, j'imagine, ce temps consacré vraiment aux gestes d'écriture.

  • Florence Bara

    Ah oui, il est quasi inexistant par la suite avec l'idée que tout est fini, on va dire, arrivé au cycle 3, que l'enfant est prêt. Avec qui on entend même parfois apprendre des notes alors qu'on est encore dans ce processus d'automatisation. On considère que l'automatisation chez l'enfant, ce n'est pas avant 9-10 ans. Un geste qui commence à être automatisé pour les enfants bons scripteurs. Après, je ne parle pas des élèves en difficulté.

  • Régis

    Mireille Wenner, vous qui avez enseigné dans plusieurs niveaux de classe, plusieurs types d'établissements, qu'est-ce que vous avez pu constater ? Quel temps y passent les enseignants, notamment en maternelle ? Est-ce que ça vous paraît suffisant de votre expérience ?

  • Mireille Wenner

    De mon expérience, depuis que j'ai fait cette formation, et quand j'enseignais en maternelle après cette formation, de très nombreuses activités dans la journée des élèves de petite section, de moyenne section, de grande section, étaient orientées vers la préparation aux gestes d'écriture. Ce qui n'était pas le cas avant que je fasse cette formation, parce que je ne savais pas comment le faire. Comme le disait Florence Barra, J'étais à l'INSPE il y a très longtemps et on n'avait aucune formation geste d'écriture et je pense que beaucoup d'enseignants après moi ont été formés mais il n'y a pas eu de formation geste d'écriture. Et donc pour rebondir un petit peu sur ce que disait Florence Barra, effectivement dès la petite section, on va développer les compétences motrices mais on va souvent mettre des crayons dans les mains déjà à ce moment-là. et donc la tenue du crayon elle va être on va dire spontanée, faite par les élèves sans même... De toute façon, ils n'ont pas encore les compétences motrices pour bien maîtriser certains gestes. Et en fait, cette première tenue, souvent, elle va très vite se fixer, en fait. Elle va très vite être installée. Et après, ce sera difficile de la modifier. C'est un peu comme toutes les habitudes qu'on peut avoir dans la vie de tous les jours. Changer une habitude, c'est compliqué. Et donc, dès la petite section, il y a des habitudes qui sont mises en place parce qu'on n'a peut-être pas développé assez les compétences motrices, les compétences d'organisation de l'espace et aussi le rythme de l'écriture avant de mettre un crayon dans les mains des élèves de petite section.

  • Hélène

    Mais Florence Bara, quand on met un crayon entre les mains des enfants, ou même des fois quand ils le prennent par eux-mêmes, je pense, ils peuvent faire plein de choses avec ce crayon, et pas nécessairement écrire, surtout, j'imagine, en début de maternelle. Donc peut-être, est-ce que vous pouvez nous expliquer un petit peu la différence qu'il y a entre commencer à travailler l'écriture et puis dessiner ou faire des activités de graphisme, qui sont différentes activités qu'on voit à la maternelle ?

  • Florence Bara

    Alors, il y a un système graphique qui est préexistant à l'écriture, celui du dessin et des premières tracées. Les premières fois que l'enfant expérimente les tracés, ce n'est pas dans l'écriture, ça va être dans le dessin et dans des gribouillés, des tracés. Je ne suis pas tout à fait d'accord dans le sens que, effectivement, très tôt, il va prendre un crayon. Et ce n'est pas un problème vraiment en soi. Par contre, je suis aussi d'accord avec vous sur le fait que la tenue du corébon, ça dépend des habiletés de motricité fine. Donc après, il y a vraiment une interaction entre les deux. On ne peut pas non plus empêcher les enfants de prendre un crayon parce qu'ils ont à l'âge de un an. Ils commencent déjà à faire leur premier tracé. Ils vont produire des choses et ils vont s'appuyer sur ce système graphique pour après. entrer aussi dans l'écriture. Donc, il va y avoir un transfert qui va se faire à un moment donné, avec aussi une différenciation qui doit se mettre en place, parce que le dessin, ce n'est pas l'écriture. On sait qu'autour de 5-6 ans, ces deux systèmes graphiques sont complètement différenciés. On sait même que chez l'adulte, c'est des structures neuronales différentes qui vont participer à la production d'un dessin ou d'une écriture. Donc, il y a une différenciation qui se met en place progressivement. L'enfant va s'appuyer sur les compétences qu'il a déjà. qu'ils développent à travers le dessin et le graphisme pour les transférer à l'écriture. Et ça, ça va amener à la fois des progrès, mais aussi des difficultés. Par exemple, on sait qu'il y a des règles de production graphique qui font que quand je commence un dessin, quand je commence à tracer un cercle en haut, j'ai plus de sens d'aller dans un certain sens de l'écriture, alors que quand je commence le tracé en bas, je vais aller dans l'autre sens, naturellement. Et ça, ça peut produire des lettres en miroir, par exemple, chez le jeune enfant. ces règles du dessin qui sont transférées à l'écriture. Donc il va falloir qu'il apprenne ce qui est commun à ces deux systèmes graphiques et ce qui est différent, et il va se spécialiser petit à petit là-dedans.

  • Régis

    Mireille Wenner, quelles erreurs d'habitude, je mets des guillemets, les erreurs habituelles que vous voyez qui peuvent se transmettre dès la maternelle et peut-être les plus importantes qui seraient des freins pour la suite de l'apprentissage de l'écriture ?

  • Mireille Wenner

    Alors justement, par rapport à... Moi, je distingue la tenue, le maniement, mais aussi la posture de l'élève. Et c'est vrai que les premières traces graphiques faites par l'élève, ça va être du dessin, du coloriage. Donc là, déjà, on a la façon de manier le crayon n'est pas la même. Le coloriage, c'est un balayage. Le dessin, ça se fait à main levée, pour qu'on puisse faire un dessin sur toute la feuille. Alors que l'écriture, c'est quelque chose qui se fait avec la main posée. donc là déjà on peut On peut voir chez des élèves, on voit souvent chez des élèves au primaire ou au collège, des élèves qui, en fait, pour écrire, font un balayage du poignet. Et ça, c'est peut-être hérité d'une petite confusion au départ, le fait que les premières traces, c'était du balayage. Après, il y a aussi une tenue, quand ils sont tout petits, s'ils n'ont pas encore... Il y a un réflexe de préhension qui est quand on serre la main. Et en fait, on voit beaucoup de tenues de crayon à l'école primaire où c'est un héritage un peu de cette tenue-là. Moi, je dis toujours, on voit le crayon est serré dans la main et le pouce passe par-dessus les autres doigts et bloque complètement les doigts. Alors que la façon la plus efficace d'écrire, c'est quand les doigts se plient et se déplient et le bras se déplace. Et ce n'est pas le poignet qui doit faire le geste pour tracer les lettres, c'est vraiment les doigts qui doivent bouger. Donc il y a ça. Et on peut avoir, par rapport à tout ça, ça va impacter l'écriture. Ça peut impacter l'écriture de ne pas avoir tous les appuis par rapport à sa main, son poignet, son avant-bras. Ça va se retrouver directement, on peut voir sur les feuilles, on peut voir des foulages. Donc des traces comme les espions, on pourrait retrouver ce qu'ils ont écrit en prenant la feuille suivante. Je pense qu'au départ, comme je disais, il faut se laisser le temps de développer ses habiletés motrices et aussi d'organisation de l'espace en faisant beaucoup de graphismes et de dessins. Et après, vraiment bien montrer la différence à l'enfant que l'écriture, c'est on pose la main, on bouge les doigts, ce qui n'est pas la même chose.

  • Hélène

    Je vous propose, pour continuer sur toutes ces activités préparatoires à l'écriture en maternelle, d'écouter un petit extrait d'un épisode d'Energie scolaire qui s'appelait « Un coin argile en maternelle » . Et dans cet extrait, Sophie Levincent, qui est enseignante en maternelle, nous explique qu'elle favorise... La manipulation quotidienne de l'argile avec ses élèves, elle le fait pour toutes sortes de raisons, mais en particulier elle fait un lien entre cette manipulation de l'argile et la préparation du geste d'écriture et elle dit même que ses collègues de CP l'encouragent à poursuivre parce qu'ils ont l'impression que... Les élèves arrivent en CP avec des habiletés particulières, on l'écoute.

  • Mireille Wenner

    Il y a un constat qui se fait de plus en plus à l'heure actuelle en école élémentaire, c'est qu'on a des enfants qui sont crispés sur la tenue du crayon, des enfants qui tirent la langue, on a tous tiré la langue quand on écrivait, ce sont des enfants qui ont des tensions. Donc l'argile, elle, elle permet de renforcer le tonus musculaire, d'avoir une meilleure mobilité des articulations. Et elle permet aussi déjà d'avoir une vision en 3D de ce que l'on fait. C'est à ce moment-là que la main se forme et c'est à ce moment-là qu'il faut justement travailler la motricité fine et surtout la travailler en s'amusant avec de la matière qui les amène à découvrir le monde par ailleurs.

  • Hélène

    Florence Bara, est-ce que vous avez écrit dans cette collection de mythes et réalités ? C'est le moment, est-ce que... Il y a un réel effet de cette musculation, je ne sais pas comment il faudrait appeler ça, des doigts.

  • Florence Bara

    Alors, je pense qu'en fait, c'est un peu la même chose que la tenue de crayon ou tout ça. Il faut bien comprendre les mécanismes. Il y a des prérequis à l'écriture, c'est vrai. Il y a des prérequis d'habileté motrice, de motricité fine, de coordination visuomotrice. Si ces habiletés-là ne sont pas bien installées, effectivement, c'est difficile d'écrire. Par contre, ce n'est pas parce que ces habiletés sont bien installées qu'on va bien écrire. L'écriture, c'est un processus beaucoup plus complexe que ça. Ça rend dans un système alphabétique. Ce n'est pas uniquement tracer des formes, on est bien d'accord, c'est faire correspondre des lettres et des sons avec une trace écrite. Donc on est dans un système beaucoup plus global, un système alphabétique de correspondance lettres-sons dans lequel on a une trace à produire. Donc ça, c'est la première chose. Donc je dirais qu'il faut faire attention de ne pas confondre des prérequis et les répercussions que ça a sur l'écriture. Sans ces prérequis, on a du mal à écrire, on a du mal à tenir son crayon, on a mal aux muscles, effectivement. Mais ce n'est pas parce qu'on les a développés qu'on écrit bien. Donc ça, c'est la première chose. Et deuxième chose, il faut faire attention à ne pas se focaliser sur des éléments externes à l'écriture. Donc certes, les tenues de crayon, on sait que quand les enfants ont des tenues complètement immatures, où on a tous les bras, tous les doigts serrés sur le crayon, qu'ils ne peuvent pas bouger les doigts, ce n'est pas efficace. Par contre, ce qu'ont montré les recherches, c'est qu'il n'y a pas non plus une obligation d'une prise normée. On voit beaucoup l'obligation de la prise en tripode, là, entre les trois doigts. le pouce et l'index sont en opposition, et puis le stylo appuyé sur le majeur, ce n'est pas la seule position. À partir du moment où le crayon peut bouger, qu'il a un angle de mouvement, à partir du moment où le poignet peut se déplacer sur la feuille et que les doigts sont mobiles, à ce moment-là, la prise, il n'y a plus d'effet sur la lisibilité et la qualité. D'ailleurs, les adultes ont des prises de crayon très différentes les uns des autres. Donc, bien sûr que ça a une importance. Il ne faut pas être trop crispé, il ne faut pas mettre trop de pression, sinon on ne peut pas écrire de manière fluide. Mais il ne faut pas non plus donner trop d'importance à ça, parce que dans le sens qu'il ne faut pas que ça devienne trop normé, il ne faut pas imposer une tenue. Effectivement, si on sent que l'élève a des difficultés, en général ce n'est pas que la tenue d'ailleurs, c'est tout un ensemble, c'est parce qu'aussi on a du mal à programmer son geste, que par répercussion on se crispe sur le stylo et qu'on a du mal à le tenir. Donc il ne faudrait pas que des éléments, un peu des artefacts de l'écriture, deviennent le cœur de l'enseignement et de l'apprentissage. Et sur la posture, c'est pareil. Il y a des recherches qui montrent qu'effectivement, il faut que le poignet et le coude puissent reposer sur la table pour bien écrire. Ça, c'est clair. Par contre, il n'y a aucune étude qui a réussi à montrer, par exemple, que le buste, s'il était plus ou moins rapproché, si les pieds étaient bien posés par terre, si les fesses étaient tordues, ça, ça ne fait pas de répercussion directe sur l'écriture. Donc, je le dis juste parce qu'il y a quand même des subtilités en recherche. Il y a des choses qui sont montrées, d'autres pas. Et parfois, comme le plus visible, c'est la posture et la tenue, on peut avoir des enseignants qui du coup agissent sur ce qui est le plus visible, pareil pour la forme, sans aller vers toute la dynamique et le processus de l'écriture.

  • Régis

    Vous dites enseignant, parent aussi, effectivement, qui s'attache à ce genre de choses. Mireille Wenner, vous qui intervenez parfois individuellement auprès d'un élève, pour les parents qui nous écouteraient, qu'est-ce qu'on pourrait leur proposer pour leur enfant à la maison ? Justement, on comprend qu'il ne faut pas être aussi attentif que ça à la posture, à la manière dont il tient son crayon. Qu'est-ce qu'on pourrait leur conseiller ?

  • Mireille Wenner

    Alors, est-ce que je pourrais juste revenir sur ce que Florence a dit ? C'est possible ?

  • Régis

    Bien sûr.

  • Mireille Wenner

    Donc moi, j 'ai effectivement parlé de la tenue, du maniement, de la posture, tout ça. En fait, il y a quand même beaucoup d'élèves qui, même avec une mauvaise tenue, même avec une posture, qui finissent par écrire correctement. Et moi, je n'interviens que souvent à la demande des parents ou en classe si l'écriture est illisible ou bien s'il y a des douleurs. Et clairement, quand c'est illisible et qu'il y a des douleurs, mais c'est justement sur la tenue, le maniement que... qu'on arrive à faire progresser l'élève vraiment de façon incroyable, on va dire, parce qu'en ne changeant vraiment pas grand-chose, une habitude, en changeant une habitude, voilà. Si le résultat final, si l'écriture est lisible, si elle est fluide, si elle est rapide, eh bien, on ne doit pas intervenir, en fait, parce que, justement, en donnant certaines injonctions, comme par exemple, mets ta feuille droite, En fait, on va le mettre en difficulté parce que si vous posez vos deux mains sur la table, naturellement, sans réfléchir, vos deux mains ne vont pas être perpendiculaires à la table. Elles seront légèrement inclinées. Et en fait, si on aligne tout, le bras qui est posé sur la table avec la feuille, le crayon, justement une feuille qui va être redressée perpendiculaire à la table. on va mettre l'enfant en difficulté par rapport à ça. Donc le conseil, c'est si le résultat est tout à fait correct et tout à fait efficace, on ne fait rien. Et si jamais l'élève est en difficulté, si l'enfant est en difficulté par rapport à l'écriture, on essaye justement de voir où est-ce que ça ne va pas. Est-ce qu'il manque un appui sous le bras ? Est-ce qu'il manque un appui ? Alors on peut le voir tout simplement. Quand il manque un appui, je vous ai parlé des foulages, on peut voir s'ils appuient trop fort sur le crayon, ça c'est signe forcément de tension et l'enfant peut se plaindre d'avoir mal au bras. On peut aussi voir des élèves qui, comme il manque un appui quelque part, le bras, l'avant-bras, peu importe, on peut voir des fois l'index qui devient... Alors vous pouvez essayer, si maintenant vous appuyez très fort sur la table avec votre index, vous allez voir qu'il va devenir tout blanc au bout et rouge. un peu moins au bout du doigt. Et si vous voyez votre enfant avec un doigt de cette couleur-là, c'est qu'il y a quelque chose à faire parce qu'il y a trop de pression sur ce doigt. Voilà. Après, voilà, c'est les conseils que je peux donner rapidement.

  • Hélène

    Alors, c'est très visuel et je peux vous dire que tout le monde a fait les gestes, a testé son doigt et effectivement, c'est très parlant. Je vous propose qu'on avance un petit peu. Donc, on était un peu sur ces... passage obligé de la maternelle, de l'apprentissage, enfin en tout cas de la préparation à l'apprentissage. Et on va passer dans un deuxième temps, donc vraiment sur l'enseignement de l'écriture, de bien écrire à écrire vite. Alors là, l'idée, c'est de voir un petit peu comment cet enseignement se pratique et puis aussi qu'elles sont un peu, on parlait d'injonction, c'est vrai qu'il y a beaucoup de choses auxquelles les enseignants vont être attentifs, certaines qui sont efficaces, d'autres peut-être plus contre-productives. Florence Barra, déjà, est-ce que copier un texte, écrire longuement, de façon récurrente, c'est utile ? ou pas, pour apprendre à écrire ?

  • Florence Bara

    Alors, pour apprendre à écrire, disons, dans les premières étapes, pas forcément. Copier, c'est plus de l'entraînement, je dirais. Il y a pas mal de recherches autour de ces questions-là. Comment est-ce qu'on fait ? Déjà, on a besoin de mémoriser la forme de la lettre. Et du coup, pour bien la mémoriser, être capable de la reproduire, en fait, les plus efficaces, ça va être des exercices qu'on appelle plutôt de copie différée, où on va montrer le modèle. On va travailler aussi sur le modèle de la lettre. Évidemment, ce n'est pas la seule chose qu'on va faire. Il faut déjà qu'il y ait une bonne représentation visuelle de la lettre en mémoire. Donc, on peut montrer le modèle de la lettre, demander à l'enfant de l'analyser, lui donner des indices visuels, mettre des flèches, des couleurs aussi sur le modèle, décrire ce modèle aussi verbalement, le tracer soi-même devant l'enfant. En tout cas, faire tout un tas d'activités qui permettent à l'enfant de bien mémoriser la forme visuelle. Puis après, on lui enlève et on lui demande de la recopier. Une fois qu'il l'a copiée, au début, évidemment, il va avoir du mal à la copier, peut-être pas en entier tout ça, mais on lui remonte la forme. On lui remonte comment on peut la faire, on l'enlève et on lui demande à nouveau de la recopier. Donc, sans qu'il ait le modèle, on sait que le fait d'avoir le modèle visuel tout le temps, ça fait qu'on va être dans une tâche vraiment d'essayer de copier des fois, trait par trait, cette lettre. Et ça ne participe pas forcément à la représentation globale de la lettre. Donc, ce type d'activité, en tout cas, c'est plus efficace dans les recherches pour apprendre à écrire les lettres. plutôt que des pures activités de copie seule, où je vais m'entraîner à copier la lettre. Donc il faut diversifier aussi ces apports-là et ces pratiques. Et ça, c'est des choses qui vont être plutôt efficaces. Travailler d'abord sur construire une bonne représentation visuelle de la lettre, pour après la reproduire, pour avoir associé aussi la représentation visuelle de la lettre avec la représentation motrice. On peut aussi entraîner le geste de manière plus simple, en faisant tracer. avec des lettres en creux par exemple, avec des rails qui vont permettre aussi de s'entraîner à un geste sans avoir à gérer en même temps. J'essaye de découvrir une forme et de la retracer en même temps. Donc ça c'est des exercices complémentaires, ça veut pas dire qu'on fait pas de copie. Mais ce qu'on voit le plus souvent comme pratique en classe, c'est des exercices vraiment de copie de modèle. Il y a plein d'autres choses à proposer qui vont faciliter l'apprentissage de l'écriture.

  • Régis

    Mireille, vous voulez rebondir ?

  • Mireille Wenner

    Oui justement, donc Une fois que l'élève maîtrise le modèle, moi ce que je conseille aussi, c'est très rapidement de l'associer à d'autres lettres. Parce que la combinaison des lettres fait que chaque lettre doit s'adapter à la lettre qui vient avant et la lettre avant doit s'adapter à la lettre d'après. Alors c'est plus parlant par exemple pour les lettres qui terminent en O, comme le V, le O, le B. Et parce qu'on voit souvent des élèves qui arrivent en cycle 3 et qui continuent après un B par exemple à redescendre sur la ligne pour tracer un I parce que justement ce modèle il a été fixé dans leur mémoire et donc très rapidement, surtout dès le CP, on refait le modèle mais on l'associe très rapidement à d'autres lettres après.

  • Régis

    Florence Barra, ça ouvre presque la question du dogme de l'écriture cursive en France.

  • Florence Bara

    J'allais y venir. Effectivement, ces nécessités d'accroche, c'est spécifique à la cursive, qui est l'écriture qu'on apprend, donc ce n'est pas unanime dans les différents pays. Donc nous, on a mené différentes recherches autour de ces questions-là et nos résultats nous amènent plutôt à conclure que l'écriture script est plus facile et plus rapide. que l'écriture cursive, contrairement à ce qu'on peut imaginer souvent, cette fluidité, rapidité de l'écriture cursive qui est vraiment un mythe. Donc en script, effectivement, on a moins ces problèmes-là. Alors, ça pose aussi des questions sur dans quel niveau on parlait de la difficulté d'apprendre à écrire. C'est vrai que c'est extrêmement complexe l'écriture. Et comme le dit Mireille, c'est vrai que l'attachement des lettres crée une complexité supplémentaire très forte, avec des variations de lettres. Ça crée aussi un intérêt parce que ça permet aussi à l'enfant de comprendre qu'on peut avoir des variations de formes sans que ça change la lettre. Et ça, on sait que c'est un apprentissage très important aussi pour rentrer dans le système alphabétique. Ce n'est pas une représentation purement standard. Les lettres, elles peuvent varier, elles peuvent se modifier. Pourtant, c'est toujours les mêmes mots qu'on va lire et ça représente toujours les mêmes sons. Donc, ça aussi a un intérêt. Donc voilà, il ne faut pas l'oublier. Nos recherches montrent aussi que cette variabilité aussi avec les formes cursives ont un intérêt. Mais en même temps, ça... Ça pose des grosses difficultés à l'enfant, cette écriture cursive, très normée, attachée, à laquelle le système français est très attaché. Mais ça ne fait pas l'unanimité dans tous les pays. Et apprendre en script, ce n'est pas inintéressant non plus. Ça permet d'apprendre plus vite, d'aller plus vite et d'avoir moins de difficultés aussi pour des élèves qui auraient des difficultés motrices, tout simplement.

  • Hélène

    Ça veut dire que ça serait intéressant, par exemple, pour des élèves dont on perçoit précocement qu'il y a des difficultés de rapidité, des ans. On pourrait imaginer qu'ils travaillent essentiellement avec une écriture script et qu'ils sautent cette étape de la cursive. Ou est-ce que ce n'est vraiment pas envisageable dans le système éducatif français tel qu'il est actuellement ?

  • Florence Bara

    Pour les élèves à besoin éducatif particulier, c'est envisageable, c'est parfois préconisé. Moi, j'aurais plutôt l'idée de le préconiser avant le clavier. finalement de déjà tester est-ce que les enfants sont capables quand même de maîtriser un système écrit manuel avant de passer directement au clavier parce que ça a quand même un intérêt comme je vous disais puisque les lettres qu'on écrit c'est aussi celles qu'on reconnaît le mieux, donc ça a vraiment un intérêt en soi. Ça peut être proposé parfois dans des plans d'accompagnement pour des élèves qui ont des difficultés reconnues. C'est pas toujours accepté, c'est pas toujours valorisé ce changement de police d'écriture. Pour des élèves qui ont des troubles du développement intellectuel, qui peuvent avoir aussi des difficultés motrices associées, c'est des choses qu'on voit assez régulièrement en termes d'adaptation du parcours d'apprentissage. Mais à mon avis, ça gagnerait à être proposé aussi. On a plutôt tendance à passer directement au clavier quand on voit que les difficultés sont trop fortes.

  • Régis

    Mireille Wenner, moi j'ai très envie de vous demander les conseils que vous donneriez à des enseignants, professeurs des écoles, mais peut-être plus au collège, qui voudraient mettre en place des rituels. Soyons fous des rituels, je dirais, courts et efficaces.

  • Hélène

    Alors, il est possible de mettre des rituels courts et efficaces en place, mais après, peut-être plus avec des enseignants de cycle 2, donc à partir du CP, CE1, peut-être CE2, mais après, ils sont tellement pris dans tout ce qu'ils ont à faire qu'ils ont du mal à se dire, oui, non, mais je ne peux pas encore coincer cinq minutes ou dix minutes par jour juste pour le geste d'écriture, même si pour certains élèves, ça pourrait être efficace. et donc j'ai pu tester l'année dernière dans une classe de CP où je suis allée une fois par semaine justement mettre en place des petits rituels vers une tenue plus efficace, un maniement plus efficace, un déplacement du bras, voilà. Et le résultat au bout d'une année, donc moi je ne peux venir qu'une fois par semaine, mais l'enseignante reproduisait le rituel toute la semaine pendant cinq minutes à peu près par jour. et donc... Elle a été, à la fin de l'année, elle a été vraiment étonnée de voir que tous les élèves tenaient à peu près leur crayon correctement, le maniaient correctement. Et donc, c'est que ces petits rituels ont porté leurs fruits avec ces élèves-là. Après, c'était une classe en REP+, avec uniquement dix élèves. Donc, c'était peut-être plus facile à mettre en place comme ça.

  • Régis

    Il y a une autre chose aussi qu'on met souvent en avant, c'est le soin, c'est la belle écriture. Alors, on n'est plus à la plume, mais quand même, il y a cette idée qu'il faut écrire bien. Et donc, est-ce qu'il vaut mieux écrire doucement et bien ou est-ce qu'il vaut mieux écrire vite et moins bien ? Florence Barra, je ne sais pas si vous avez une réponse à ça. J'ai l'impression qu'il faut viser l'efficacité à un moment donné.

  • Mireille Wenner

    Si, bien sûr. Il faut viser l'efficacité, c'est sûr. il faut viser un compromis entre les deux. Parce que l'écriture, elle est destinée quand même à être... relu à un moment donné. Donc forcément, il y a un minimum de lisibilité à avoir. Après, si la lisibilité se fait au détriment de la vitesse, ce n'est pas du tout efficient non plus, puisque l'intérêt de l'écriture, c'est de pouvoir avoir une écriture automatisée pour faire autre chose, pour pouvoir produire des textes, pour écrire des mots, pour pouvoir prendre des notes. Pour ça, il faut que le geste moteur soit automatisé pour qu'on puisse avoir des ressources cognitives libres pour faire autre chose, pour faire des traitements, on va dire, de plus haut niveau. Donc le but quand même, c'est d'automatiser l'écriture. Ce n'est pas d'avoir une belle écriture, c'est d'avoir une écriture lisible et automatisée. Automatisée, ça veut dire rapide, fluide et qui ne me demande pas beaucoup de réflexion et pas beaucoup de coups cognitifs. Donc c'est quand même ça le but. Donc il ne faut pas que la qualité se fasse au détriment de la vitesse et de la fluidité. Donc je pense que c'est surtout ça qu'il faut dire. Et parfois, on insiste. énormément sur l'aspect calligraphique, sur la beauté, sur le respect de la ligne, des interlignes qui sont très sévères chez nous, très précises, ce n'est pas le cas. Il y a des pays où on écrit juste sur une seule ligne. Donc, si tout ça se fait au détriment de l'automatisation, là, c'est un vrai problème, par contre.

  • Régis

    Mireille ?

  • Hélène

    Oui, donc, par rapport à ça, je voulais dire, justement, dans ces rituels que l'on a mis en place avec cette collègue, Le but, c'est justement que l'écriture devienne un mouvement et que l'élève, par rapport à ce que disait Florence, le respect de la ligne, ça devient juste un petit contrôle visuel parce que le bras, lui, se déplace déjà dans l'alignement de cette ligne. Il se déplace déjà justement le long de cette ligne, donc il n'y a plus besoin de faire attention à ça. Tous les rituels sont assez basés sur le mouvement et pour que justement ce mouvement s'automatise. Et souvent, c'est pour ça que j'ai choisi d'essayer ces rituels en CP. C'est parce que souvent, en CP, quand on écoute les parents, ils disent « je ne comprends pas au CP, il avait une belle écriture, il écrivait bien. » Et arrivé au CE1, où justement, il y a un peu plus à écrire, des leçons à écrire et tout ça, et là, ça part en vrille. Et on se dit « pourtant, l'année dernière, il écrivait tellement bien. » Oui, mais il écrivait très doucement. et donc si justement Dès la maternelle, puis ensuite au CP, on met en place des rituels où l'écriture, justement, va donner du rythme à l'écriture, du mouvement. Ça va simplifier le geste d'écriture et il va pouvoir passer, il va pouvoir s'automatiser et libérer. On va pouvoir libérer de la place pour justement se concentrer sur ce qu'on écrit.

  • Florence Bara

    Et si ça n'a pas marché, rassurez-vous, il y a le troisième temps de l'émission. On va voir qu'il est possible de réparer l'écriture. Les mots MAUX, des mots MOTS. Alors effectivement, il y a des remédiations possibles, mais je vais vous laisser la parole Mireille, sur les difficultés, le type de difficultés que vous rencontrez chez les enfants.

  • Hélène

    Alors, comme je disais tout à l'heure, ça va être une tenue qui n'est pas efficace. C'est-à-dire que, par exemple, justement, quand on tient son crayon, et ça, on le voit énormément dans les classes, même au collège, on voit le pouce qui passe devant tous les doigts et qui va tout bloquer. Donc, moi, je dis toujours, quand vous jouez au Lego, Vous n'allez pas bloquer vos pouces et bloquer vos doigts et vous n'allez pas vous servir de vos poignets pour bouger vos Legos. Donc voilà, c'est déjà une première chose. Après, il y a aussi ce pouce qui passe devant, il empêche le maniement du crayon, il empêche le crayon de se déplacer normalement. Et forcément, écrire avec son poignet, on va être moins précis. Donc ça, c'est déjà une chose qu'on peut, avec des petites manipulations, ce n'est pas du tout de l'écriture, parce que souvent, On me dit, je fais déjà des difficultés pour les enfants, ils sont un peu peur parce qu'ils se disent, elle va me faire écrire. Non, pas du tout, parce qu'on va vraiment travailler sur la tenue, le maniement et la posture.

  • Régis

    Là, on voit qu'effectivement, il y a des difficultés qui sont de l'ordre du maniement, etc. Florence Barra, quelle différence est-ce qu'on fait entre un élève qui a des difficultés à écrire vite et lisiblement, pour peut-être effectivement ce type de raison ou pour d'autres ? Et un élève qu'on va dire dysgraphique, est-ce qu'on va intervenir de la même façon ? Pour un enseignant, comment est-ce qu'il peut déterminer ces différentes situations ?

  • Mireille Wenner

    Après, disons qu'il va y avoir un diagnostic si l'élève a une dysgraphie. Ça dépend à quel niveau, à quel moment de l'enseignement on se situe. Quand on est au début, de toute façon, on a toujours aussi ces questions d'apprentissage. qui peut être être plus ou moins long, donc il y a toute une période où on ne sait pas si on est face à un vrai trouble ou si juste c'est une lenteur d'apprentissage. Donc au début, on va mettre les moyens pour travailler sur l'écriture avec tout ce qu'on connaît, travailler sur les représentations de la lettre, travailler sur le geste, sur la production du geste. Et puis si vraiment on voit qu'il y a des difficultés extrêmement fortes, à un moment donné, il arrivera sûrement un diagnostic. Et quand on rentre dans le trouble, il y a certes la rééducation qui doit se faire. mais il y a aussi la compensation et le contournement qui doivent se mettre en place à l'école. Puisque le souci, c'est comme pour un dyslexique qui aurait des difficultés à lire, lecture et écriture, c'est vraiment les deux supports de l'apprentissage tout au long de la scolarité. Donc, à partir du moment où l'élève est en très grosse difficulté sur un de ses mécanismes, donc là, sur l'écriture en l'occurrence, ça veut dire du coup qu'il va être en difficulté dès qu'il doit copier, dès qu'il doit prendre des notes, dès qu'il doit écrire un texte ou même dès qu'il doit copier un énoncé. Et du coup, toutes ces ressources cognitives vont être allouées à cette tâche d'écriture, au détriment de ce qu'il doit en faire. C'est-à-dire que tout le temps qu'il va passer à copier son énoncé de maths, c'est du temps en moins pour comprendre cet énoncé, pour comprendre ce qu'il doit faire. Donc, il risque d'échouer dans la majorité des tâches scolaires. Et là, évidemment, ça se fait en parallèle de la rééducation, mais le rôle de l'enseignant, ça va être de trouver des moyens pour qu'il ait moins à copier. Parce qu'un élève qui est en difficulté, copier en même temps qu'il fait d'autres tâches, Ça ne va pas l'aider à automatiser, ça va juste lui faire une charge supplémentaire qui va détériorer ses autres apprentissages. Donc évidemment, on va plus lui donner de photocopies, on va plus parler à l'oral, lui expliquer la consigne à l'oral, la répéter, plutôt que lui demander de copier un certain nombre de choses. Donc voilà, c'est ces deux idées qui doivent coexister, la rééducation, mais qui est plutôt faite par des professionnels, je dirais à l'extérieur de l'école à un moment donné, et puis le contournement en classe pour que l'élève puisse continuer à apprendre. malgré les difficultés qu'ils rencontrent dans l'écriture.

  • Florence Bara

    Je vous propose qu'on écoute un extrait d'un autre épisode d'une autre famille de podcasts d'extra-classe qui est entre profs. C'est l'épisode numéro 5 où on entend une enseignante, Aurélie Hollard, qui explique ce qu'elle propose à des élèves qui ont des difficultés d'écriture et qui ne peuvent pas se relire parfois. Et tout est dit dans le titre de l'épisode qui est « Dois-je donner des photocopies ou faire écrire mes élèves ? »

  • Speaker #4

    On a des élèves, même si on les fait écrire, Ils ne vont pas être en mesure d'avoir une graphie correcte ou d'aller au même rythme que les autres. Donc là, c'est vraiment en circulant dans notre classe, en fait, et en repérant les élèves qu'on va pouvoir voir si effectivement ils arrivent bien à écrire, s'ils arrivent à se relire, et auquel cas, si ce n'est pas possible et qu'on a discuté avec eux, on peut leur proposer la trace écrite. Mais là, ça va être quand même davantage du cas par cas.

  • Florence Bara

    Florence Barr, une réaction à cette efficacité de vouloir faire écrire à tout prix, alors qu'une photocopie, ça peut... pour solutionner le problème ?

  • Mireille Wenner

    Il y a toujours l'idée qu'on apprend en s'entraînant. Pas toujours, comme je vous disais. Si ça devient une surcharge, si c'est une surcharge cognitive de gérer à la fois la lecture et l'écriture, par exemple, parce qu'on va copier, il faut lire en même temps et il faut comprendre surtout. À ce moment-là, on ne s'entraîne plus. On est juste en souffrance à avoir trop de choses à copier. On va avoir des élèves qui s'épuisent parce que c'est trop difficile pour eux de copier. Et du coup, ils ne s'entraînent pas du tout. Ils vont plutôt arriver à un rejet de l'écriture, c'est plutôt ce qui va se passer si on a un élève qui est en difficulté avec le geste moteur et qu'il a toute la journée des tâches d'écriture, des tâches d'écriture. il ne va pas s'entraîner, il va se lasser et ça va se faire au détriment des autres apprentissages. Donc quand on est dans l'entraînement, on est vraiment dans l'entraînement. C'est-à-dire que ça ne me met pas en retard si je n'ai pas réussi à faire cette tâche de copie, ça ne me met pas en retard sur les apprentissages scolaires que je dois faire. L'entraînement, ce n'est pas censé mettre en retard. Voilà, c'est ça que je voulais dire.

  • Hélène

    Ça fait écho avec la notion de cœur de cible. Donc, qu'est-ce qu'on vise exactement ? Si on est en histoire-géographie et que le but, c'est d'acquérir des connaissances en histoire ou en géographie, et que l'élève n'arrive pas à relire ce qu'il écrit, ça va être contre-productif pour lui. En plus, ça va le dégoûter un petit peu de l'écriture aussi, parce que si c'est une difficulté et qu'il n'arrive pas à se relire et qu'on le fait écrire tout le temps, après, il y a aussi, moi je vois aussi beaucoup ça en collège, de... Il faut que les élèves écrivent parce que sinon, qu'est-ce qu'ils font pendant ce temps-là ? Donc, il y a des habitudes à mettre par rapport à ça. Peut-être dire à l'élève, je te donne la photocopie, mais tu vas te relire. Et puis, je te poserai une ou deux questions. Tu vas lire le cours pendant que les autres l'écrivent. Il faut essayer de le motiver à s'occuper pendant que les autres écrivent parce que le temps d'écriture est assez long en classe, surtout au collège.

  • Florence Bara

    Oui, Mireille, vous qui avez été justement aussi enseignante en Ulysse Collège, Un élève qui arriverait en collège avec une écriture cassée, est-ce que c'est rattrapable en collège ?

  • Hélène

    C'est rattrapable à tout moment, mais comme je disais, souvent c'est une habitude qu'on a prise, une façon d'écrire, une façon de tracer les lettres, tout ça c'est des habitudes qui sont très bien installées et il faut avoir la volonté de changer. Donc c'est un petit peu compliqué. Alors quand un élève n'arrive pas à se relire, on arrive souvent à le convaincre, on dit bon, clairement il faut qu'on fasse quelque chose. Mais par exemple, on a aussi une des réparations d'écriture qui est la plus compliquée, c'est une élève ou un élève qui écrirait très bien, mais très lentement. Parce que pour lui, son geste, son écriture, elle est très lisible, elle est surtout très belle, et c'est compliqué de lui dire il faut que tu remettes en question ces habitudes d'écriture que tu as bien installées.

  • Régis

    Florence Barra, vous nous disiez que l'automatisation du geste d'écriture, elle s'acquiert finalement un peu avant l'arrivée au collège, c'est ça à peu près, dans ces âges-là ?

  • Mireille Wenner

    Oui, c'est ça.

  • Régis

    Ça veut dire quand même qu'on est peut-être très exigeant, ce qu'on a l'impression d'être une écriture peut-être pas maîtrisée, un problème, etc. C'est peut-être simplement qu'il faut encore un peu de temps.

  • Mireille Wenner

    Oui, alors c'est sûr qu'on a souvent un niveau d'exigence quand même assez élevé pour un apprentissage qui est très long. On a souvent même cette idée qu'arriver au cycle 3, c'est bon. Ils doivent pouvoir copier de manière assez habile. On a fini la phase, on va dire, d'apprentissage. On est encore quand même dans une automatisation qui se met en place petit à petit. Et ça veut dire qu'autour de 10 ans, c'est la moyenne des enfants qui arrivent à cette automatisation. Mais il y en a plein qui n'y arrivent pas, bien sûr. Donc, on a un peu tendance des fois à se... caler sur ceux qui arrivent le mieux aussi, qui maîtrisent, il y a des différences inter-individuelles très fortes. Donc, on a une exigence de toute façon très forte par rapport à l'écriture. Et surtout, le souci, je dirais, c'est qu'on part assez vite du principe que ce n'est plus une tâche coûteuse. Donc, on va souvent avoir l'impression que copier quelques lignes, ce n'est pas coûteux. Ça l'est encore pendant longtemps. Pour la majorité des enfants, ça l'est quand même tout le long de primaire, et même au collège, il y a encore énormément d'enfants pour lesquels c'est une tâche coûteuse. Donc, c'est ça aussi, c'est prendre en compte le fait que ça reste une tâche coûteuse et que même ceux qui arrivent à le faire, c'est quand même coûteux pour eux. C'est-à-dire que même eux, ça leur coûte et c'est au détriment aussi d'autres aspects. Alors évidemment, chez les bons élèves, ça ne se voit pas parce qu'ils ont tellement de ressources que même quand c'est coûteux, ils arrivent quand même à comprendre tout ça. Mais il faut bien garder en tête que l'écriture reste toujours une tâche coûteuse, d'ailleurs même pour un adulte parfois. juste pour la petite anecdote, il y a quand même des recherches qui montrent que... Chez les adultes qui prennent des notes, les étudiants, l'écriture est très coûteuse, plus que le clavier. Alors avec des effets qui peuvent être positifs, parce qu'il y a une recherche qui avait comparé les prises de notes chez des étudiants à la fac entre ceux qui prenaient au clavier et ceux qui prenaient en écriture manuscrite. Et en fait, les étudiants qui prenaient en écriture manuscrite réussissaient mieux. Alors ce n'est pas un effet magique de l'écriture manuscrite, mais c'est comme c'est plus coûteux. Ils écrivaient moins et du coup, ils synthétisaient plus le cours. Donc en fait, ils faisaient un premier travail. beaucoup plus fort de réflexion autour du cours pour finalement prendre moins de notes parce que c'est coûteux. Et ceux qui étaient au clavier, ils notaient tout parce qu'ils vont beaucoup plus vite avec la frappe au clavier. Donc voilà, pour retenir deux choses, ça reste coûteux. même pour un adulte, mais parfois le fait que ça soit coûteux, ça peut avoir des bénéfices, puisque du coup, on fait un travail avant pour écrire moins.

  • Florence Bara

    Et sur le lien Florence Barra, entre lecture, écriture et orthographe, est-ce que les difficultés sont liées ? Il y a un lien de l'un vers l'autre et dans quel sens peut-être ?

  • Mireille Wenner

    Alors, il y a un lien bidirectionnel. On va dire qu'on sait que plus les lettres à produire sont complexes à un niveau moteur et plus j'ai de chances de faire des fautes d'orthographe. et vice-versa, plus les mots sont faciles à produire et plus je vais écrire vite. Donc il y a vraiment une interaction entre les deux, c'est complètement bidirectionnel. Ça reste le même système, c'est un système alphabétique lecture-écriture. Au fur et à mesure qu'on apprend à écrire, on construit des réseaux neuronaux qui sont spécifiques à la reconnaissance des mots et à leur écriture. Donc on est dans un système langagier de correspondance entre des lettres et des sons, des des formes visuelles qu'on va voir et des formes qu'on va tracer avec un geste moteur. Mais ça reste le même système, donc ce n'est pas surprenant qu'il y ait des interactions très fortes entre ces différents systèmes.

  • Régis

    Alors peut-être pour terminer, Mireille, j'avais envie d'une petite... C'est pareil, j'ai une question un petit peu qui gratte, mais est-ce que c'est grave de ne pas bien écrire, surtout pour des élèves, qu'on voudrait motiver à bien écrire quand toute la société autour d'eux... J'exagère peut-être, mais presque quand même. Effectivement, le modèle des adultes, etc., n'écrit pas, en fait, ou n'écrit plus, ou peu. Est-ce que, finalement, les alternatives, effectivement, numériques ou autres, peuvent prendre le pas à partir d'un certain moment, et puis ce n'est pas grave ?

  • Mireille Wenner

    Alors, justement, si... On va dire qu'à la fin du collège, le geste est automatisé et arrive le lycée. Et là, maintenant, la norme, c'est qu'au lycée, ils reçoivent un ordinateur. Et donc, si le geste d'écriture était douloureux, était lent avant d'avoir l'ordinateur, pendant ces trois années de lycée, ils ne vont quasiment pas écrire. Mais arrivé au bac, les épreuves, pour l'instant, la plupart se passent avec un stylo dans la main et on doit écrire. et souvent... On entend les élèves qui sortent des épreuves du bac, même après si c'est des épreuves écrites à l'université, de dire qu'ils ont mal à la main, mal au bras, parce qu'ils ont même perdu l'habitude d'écrire, en tout cas plusieurs heures de suite quand on fait un examen.

  • Florence Bara

    Peut-être juste pour rebondir là-dessus, on parlait au début des prérequis de motricité fine, tout ça, mais il faut savoir que l'écriture, c'est un exercice de motricité fine et qu'à force d'écrire... on entraîne aussi sa motricité fine. Et il n'y a pas beaucoup d'études, mais il y a des études qui montrent que les adultes qui écrivent énormément au clavier ont aussi des habiletés motricité fine qui régressent un petit peu. Donc, c'est aussi un exercice de motricité fine et ça développe aussi quelque chose.

  • Mireille Wenner

    Ce qu'il y a, c'est que les adultes n'ont pas besoin d'aller passer le baccalauréat. Parfois, ils ont besoin d'écrire quand même dans la vie professionnelle. Ça peut diminuer en autonomie, parfois.

  • Hélène

    Merci beaucoup à toutes les deux pour ces indications, ces conseils. Et puis aussi, peut-être parfois, on a relativisé des inquiétudes qu'on pourrait avoir. Il faut se donner le temps, peut-être. On passe à un temps d'inspiration. On vous a demandé toutes les deux de réfléchir à quelque chose que vous auriez envie de partager avec nos auditeurs et auditrices. Je commence avec vous, Mireille.

  • Mireille Wenner

    Je vous ai beaucoup parlé de la tenue, du paniement, ce pouce qui passe devant, les doigts qui peuvent devenir d'une couleur écarlate et à la fois blanc. Je ne vous ai pas prévenu au début, mais je vous ai peut-être inoculé un virus. Parce que maintenant, à chaque fois que vous verrez quelqu'un écrire à l'école, à la banque, le serveur, au restaurant, vous ne pourrez plus vous empêcher de voir peut-être ce qui ne va pas, ce pouce qui passe devant. et et qui bloquent complètement l'écriture. Mais vous pourrez constater que pour certains, le résultat final finalement est tout à fait acceptable et que pour d'autres, on a des petites pattes de mouche.

  • Hélène

    Florence, est-ce que vous avez une inspiration qui vous vient ?

  • Florence Bara

    Alors moi, j'aurais envie de proposer aux enseignants aussi de se donner un peu plus de liberté par rapport aussi à cet apprentissage de l'écriture, en visant plus la finalité, en étant moins stressé aussi par ce cadre très normé, qui des fois peut détourner l'enfant du but final. qui est à un moment donné de pouvoir écrire en autonomie, de pouvoir aussi produire des textes, de pouvoir réfléchir sur ce qu'on a écrit. Et ça, du coup, c'est... Moi, j'ai travaillé pas mal, enfin, quelques années au Québec et le cadre était plus souple et ils n'étaient pas moins bons scripteurs. Il y avait, voilà, ils écrivaient sur une seule ligne, ils écrivaient en écriture script. Il y avait des normes de lisibilité, mais pas de belles écritures calligraphiées. Et du coup, ça, c'est quelque chose aussi que j'ai envie d'apporter un peu en France. Ça ne veut pas dire qu'on laisse faire n'importe quoi. Évidemment, il faut que l'écriture soit fluide et lisible. Mais ça veut dire que peut-être on peut s'écarter un peu d'un cadre hyper normé.

  • Régis

    Une inspiration presque en forme de conclusion. Donc, pour terminer cet épisode, j'ai envie de dire à ceux qui nous écoutent, votre ado ou vos élèves sont avachis sur leurs feuilles. Elles ont l'air toutes de travers. Ça n'est pas grave. Ça n'est pas grave. Son écriture est cassée, vous pensez qu'il est trop grand pour que ça puisse se réparer ? Faux, ça peut se réparer. Donc allez voir un petit peu en ligne ce que proposent nos invités, j'ai envie de dire, sur cet épisode, et notamment beaucoup de mythes autour de l'écriture. J'espère qu'on en a chassé quelques-uns, quelques réalités à aller explorer. Merci beaucoup Florence Bara et Mireille Wenner pour cet épisode.

Chapters

  • Le geste fondateur pour préparer l'écriture

    04:16

  • Enseigner l'écriture : de bien écrire à écrire vite ?

    21:53

  • Réparer l'écriture : les maux des mots

    33:44

  • Inspirations des invitées

    47:53

Description

Le geste d'écriture se construit dès la maternelle, mais son automatisation n'est pas acquise avant l'entrée au collège. Dans cet apprentissage au long cours, il existe quelques principes et méthodes éprouvés, mais aussi quelques habitudes contreproductives. Et puis il faut y consacrer du temps bien sûr, et souvent dès le cycle 3 on ne le travaille plus explicitement.
Comment enseigner l'écriture, la rendre efficace et fluide ? Comment la « réparer » chez des élèves qui ne l'ont pas acquise correctement au cours de leur scolarité ? Faut-il écrire bien ou vite ? Copier un texte est-il utile pour s'entraîner ? Et quel lien avec l'apprentissage de la lecture et la compréhension des textes ? Cet épisode vous donne des clés pour mieux appréhender cet apprentissage, du 1er au 2nd degré, et remet aussi en question quelques idées reçues.
Avec :
Florence Bara, professeure des universités en psychologie cognitive et développement, enseignante chercheuse à l’Inspé de Toulouse et membre du laboratoire Cognition Langues Langage. Ses recherches portent sur le processus d’apprentissage de la lecture et de l’écriture.
Mireille Wenner, professeure des écoles, référente REP+ et graphodidacticienne.

Les extraits que vous avez entendus sont issus des épisodes Extra classe :

Florence Bara, Jean-Luc Velay, Marie-Thérèse Zerbato-Poudou, Enseigner l'écriture, coll. « Mythes et réalités », Éditions Retz, 2025.

Chapitres :

00:00 Introduction
04:16 Le geste fondateur pour préparer l'écriture
21:53 Enseigner l'écriture : de bien écrire à écrire vite ?
33:44 Réparer l'écriture : les maux des mots
47:53 Inspirations

Extra classe sur toutes vos plateformes d'écoute :
https://smartlink.ausha.co/extra-classe

Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé
Émission préparée et animée par : Hélène Audard et Régis Forgione
Réalisée avec l'appui technique de : Julien Bonhomme et Natacha Dubois
Directrice de publication : Marie-Caroline Missir
Coordination et production : Hélène Audard, Magali Devance
Réalisation et mixage : Simon Gattegno
Remerciements aux Ateliers Canopé de Toulouse et de Montigny-lès-Metz
Contactez-nous sur : contact@reseau-canope.fr
© Réseau Canopé, 2025


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Hélène

    Bonjour chers poditeurs et poditrices d'Extra Classe, bienvenue dans un nouvel épisode Parlons Pratiques qui est consacré cette fois, et c'était écrit, à l'écriture.

  • Régis

    Après un épisode sur la lecture l'année dernière, à écouter sans hésiter en complément de celui-ci, logique de nous pencher cette fois sur l'apprentissage du geste d'écriture, les difficultés et remédiations possibles au cours de la scolarité.

  • Hélène

    Alors Régis, je te propose un petit test, une question piège. Tu dois répondre sans tricher. Et vous aussi qui nous écoutez, vous pouvez essayer d'y répondre de votre côté. Combien de temps as-tu passé aujourd'hui à écrire à la main ?

  • Régis

    Alors, en temps, je ne sais pas Hélène, mais j'utilise un bullet journal, un petit carnet de gestion de tâches et de prise de notes rapide au quotidien. C'est à peu près tout ce que j'écris. En gros, ça doit faire une feuille à cinq par jour. Mais honnêtement, tout le reste, on va dire 90% de mon écriture passe par clavier-écran. Et toi ?

  • Hélène

    Alors moi, je... Je pense que moins d'une heure, ça c'est sûr. J'ai pris quelques petites notes, j'ai mis mes idéaux clairs sur le papier. C'est à peu près tout, c'est surtout pour moi en fait.

  • Régis

    En tout cas, on est très loin d'un élève en classe qui passe entre 30 et 40% de son temps à écrire dans le premier degré et sûrement plus encore dans le second degré.

  • Hélène

    On comprend à quel point c'est crucial que ce geste d'écriture soit préparé, enseigné, entraîné au fil du temps. De la maternelle jusqu'à quand en fait ? Jusqu'au cycle 3. trois jusqu'au collège, au-delà ?

  • Régis

    Pour pas mal d'élèves, ça n'est pas complètement acquis à l'arrivée au collège en tout cas. C'est donc une question qui va vous intéresser, parents et enseignants qui nous écoutez, et qui aide confrontés à des élèves, à des enfants en difficulté avec l'écriture.

  • Hélène

    Avec nos invités Florence Bara et Mireille Wenner, nous reviendrons aux fondamentaux de l'apprentissage de l'écriture. Nous essaierons de déminer quelques idées reçues et de donner des pistes pour réparer les écritures. Et oui, c'est possible.

  • Régis

    Apprendre à écrire. de la maternelle au lycée, c'est parti !

  • Hélène

    Mireille Wenner, bonjour !

  • Mireille Wenner

    Bonjour !

  • Hélène

    Vous êtes professeure des écoles, actuellement référente REP+, et vous êtes également grapho-didacticienne, mais vous préférez dire que vous réparez les écritures, qu'est-ce que ça veut dire ?

  • Mireille Wenner

    Alors j'ai fait une formation... au geste d'écriture qui s'appelait une formation de rééducatrice en écriture. Et il s'est avéré que le mot rééducatrice correspondait plus au corps médical. Donc, on a dû changer de nom et c'était tout à fait justifié. Et donc, le nouveau nom, c'était gravedidacticienne. Mais moi, je trouve ça très académique parce que quand j'interviens avec des enfants, je préfère leur dire que je suis là pour réparer les écritures. Alors, je vais... C'est un peu comme du bricolage, parce que chaque élève est différent, chaque enfant est différent, l'écriture et la tenue, tout est assez différent. Et donc, moi je viens pour donner des pistes, des trucs pour réparer l'écriture.

  • Régis

    Laurence Bara, bonjour.

  • Mireille Wenner

    Bonjour.

  • Régis

    Vous êtes professeure des universités en psychologie cognitive et développement, enseignante chercheuse à l'INSPE de Toulouse et membre du laboratoire cognition langue-langage ergonomie, CLE, pour donner l'acronyme. Vous êtes co-autrice d'un ouvrage sorti tout récemment, « Enseigner l'écriture » , dans une collection qu'on aime tout particulièrement, « Mythe et réalité » aux éditions Retz. Pour vous aussi, question express et question qui gratte. Sachant que presque tout se passe aujourd'hui sur clavier-écran, honnêtement, est-ce que ça vaut encore le coup d'apprendre à écrire à la main ?

  • Florence Bara

    Alors oui, ça vaut le coup. Après, apprendre quel style d'écriture, comment l'apprendre, ça c'est des questions peut-être qu'on abordera. Et ensuite, ce n'est pas parce qu'on ne fait plus quelque chose en tant qu'adulte. que c'est inutile de l'apprendre quand on est enfant. C'est vraiment deux choses complètement séparées. Et autre chose que je peux ajouter, effectivement, un adulte va écrire la majorité du temps avec un clavier. Donc, c'est essentiel aussi d'apprendre à écrire au clavier. Et ça, c'est une question qui est finalement peu posée. Donc oui, il faut continuer à apprendre à écrire parce que ça permet aussi de construire un réseau lecture-écriture. Ça permet de mieux reconnaître les lettres, d'apprendre à les tracer. Et en même temps, il faudrait peut-être aussi envisager d'apprendre à dactylographier.

  • Régis

    Allez, on entre dans le vif du CG de l'émission avec la première partie, le geste fondateur pour préparer l'écriture. Alors dans cette partie, on va se demander, en tout cas on va essayer de comprendre pourquoi et comment l'écriture se construit, évidemment dès la maternelle, et en quoi ce geste physique conditionne la suite. Peut-être en commençant par vous, Madame Bara, comment est-ce qu'on apprend à écrire à l'école en France ? Peut-être d'une manière plus générale, comment sont formés les

  • Florence Bara

    Alors, comment est-ce qu'on apprend à écrire ? Déjà en France, on apprend à écrire très précocement. Ce n'est pas le cas de tous les pays. On a une scolarisation précoce et un apprentissage de l'écriture très précoce. On commence à préparer les prérequis à l'écriture dès la petite section, avec toutes les habiletés de motricité fine, de coordination visiomotrice. Donc on est sur un apprentissage très progressif. On sait que l'apprentissage de l'écriture, c'est quelque chose de complexe, qui se met en place pendant de nombreuses années. Donc on est plutôt sur l'idée d'un apprentissage très précoce. Avec un apprentissage qui va partir des lettres de capitale en capitale d'imprimerie qu'on estime plus facile à produire, pour aller vers les lettres en cursive qui nécessitent des gestes beaucoup plus complexes. Et puis cet apprentissage va se poursuivre après en CP, dans les premières années de primaire, et puis va s'affiner, s'automatiser petit à petit tout au long de l'école primaire. Alors comment sont formés les enseignants pour apprendre l'écriture ? Je dirais quand même assez peu. Tout comme le temps consacré à l'écriture est assez faible en classe. Je crois qu'il y avait la recherche « Lire-écrire » coordonnée par Roland Guagou qui montrait que les activités d'écriture, c'était deux heures et demie par semaine en classe. Parmi ça, il y avait à peu près une cinquantaine de minutes de copie et un quart d'heure à peu près autour de la calligraphie. Donc c'est des activités qui prennent quand même assez peu de place en classe, même si on utilise par contre l'écriture très souvent, en tout cas le temps consacré à son enseignement. est faible et du coup je dirais peut-être en proportion le temps consacré à la formation des enseignants sur cette question est aussi assez faible.

  • Hélène

    Et là j'imagine qu'on parle en plus des premières années, à la fois la fin de la maternelle et puis les premières années CP, CE1 et que par la suite ça décroît encore, j'imagine, ce temps consacré vraiment aux gestes d'écriture.

  • Florence Bara

    Ah oui, il est quasi inexistant par la suite avec l'idée que tout est fini, on va dire, arrivé au cycle 3, que l'enfant est prêt. Avec qui on entend même parfois apprendre des notes alors qu'on est encore dans ce processus d'automatisation. On considère que l'automatisation chez l'enfant, ce n'est pas avant 9-10 ans. Un geste qui commence à être automatisé pour les enfants bons scripteurs. Après, je ne parle pas des élèves en difficulté.

  • Régis

    Mireille Wenner, vous qui avez enseigné dans plusieurs niveaux de classe, plusieurs types d'établissements, qu'est-ce que vous avez pu constater ? Quel temps y passent les enseignants, notamment en maternelle ? Est-ce que ça vous paraît suffisant de votre expérience ?

  • Mireille Wenner

    De mon expérience, depuis que j'ai fait cette formation, et quand j'enseignais en maternelle après cette formation, de très nombreuses activités dans la journée des élèves de petite section, de moyenne section, de grande section, étaient orientées vers la préparation aux gestes d'écriture. Ce qui n'était pas le cas avant que je fasse cette formation, parce que je ne savais pas comment le faire. Comme le disait Florence Barra, J'étais à l'INSPE il y a très longtemps et on n'avait aucune formation geste d'écriture et je pense que beaucoup d'enseignants après moi ont été formés mais il n'y a pas eu de formation geste d'écriture. Et donc pour rebondir un petit peu sur ce que disait Florence Barra, effectivement dès la petite section, on va développer les compétences motrices mais on va souvent mettre des crayons dans les mains déjà à ce moment-là. et donc la tenue du crayon elle va être on va dire spontanée, faite par les élèves sans même... De toute façon, ils n'ont pas encore les compétences motrices pour bien maîtriser certains gestes. Et en fait, cette première tenue, souvent, elle va très vite se fixer, en fait. Elle va très vite être installée. Et après, ce sera difficile de la modifier. C'est un peu comme toutes les habitudes qu'on peut avoir dans la vie de tous les jours. Changer une habitude, c'est compliqué. Et donc, dès la petite section, il y a des habitudes qui sont mises en place parce qu'on n'a peut-être pas développé assez les compétences motrices, les compétences d'organisation de l'espace et aussi le rythme de l'écriture avant de mettre un crayon dans les mains des élèves de petite section.

  • Hélène

    Mais Florence Bara, quand on met un crayon entre les mains des enfants, ou même des fois quand ils le prennent par eux-mêmes, je pense, ils peuvent faire plein de choses avec ce crayon, et pas nécessairement écrire, surtout, j'imagine, en début de maternelle. Donc peut-être, est-ce que vous pouvez nous expliquer un petit peu la différence qu'il y a entre commencer à travailler l'écriture et puis dessiner ou faire des activités de graphisme, qui sont différentes activités qu'on voit à la maternelle ?

  • Florence Bara

    Alors, il y a un système graphique qui est préexistant à l'écriture, celui du dessin et des premières tracées. Les premières fois que l'enfant expérimente les tracés, ce n'est pas dans l'écriture, ça va être dans le dessin et dans des gribouillés, des tracés. Je ne suis pas tout à fait d'accord dans le sens que, effectivement, très tôt, il va prendre un crayon. Et ce n'est pas un problème vraiment en soi. Par contre, je suis aussi d'accord avec vous sur le fait que la tenue du corébon, ça dépend des habiletés de motricité fine. Donc après, il y a vraiment une interaction entre les deux. On ne peut pas non plus empêcher les enfants de prendre un crayon parce qu'ils ont à l'âge de un an. Ils commencent déjà à faire leur premier tracé. Ils vont produire des choses et ils vont s'appuyer sur ce système graphique pour après. entrer aussi dans l'écriture. Donc, il va y avoir un transfert qui va se faire à un moment donné, avec aussi une différenciation qui doit se mettre en place, parce que le dessin, ce n'est pas l'écriture. On sait qu'autour de 5-6 ans, ces deux systèmes graphiques sont complètement différenciés. On sait même que chez l'adulte, c'est des structures neuronales différentes qui vont participer à la production d'un dessin ou d'une écriture. Donc, il y a une différenciation qui se met en place progressivement. L'enfant va s'appuyer sur les compétences qu'il a déjà. qu'ils développent à travers le dessin et le graphisme pour les transférer à l'écriture. Et ça, ça va amener à la fois des progrès, mais aussi des difficultés. Par exemple, on sait qu'il y a des règles de production graphique qui font que quand je commence un dessin, quand je commence à tracer un cercle en haut, j'ai plus de sens d'aller dans un certain sens de l'écriture, alors que quand je commence le tracé en bas, je vais aller dans l'autre sens, naturellement. Et ça, ça peut produire des lettres en miroir, par exemple, chez le jeune enfant. ces règles du dessin qui sont transférées à l'écriture. Donc il va falloir qu'il apprenne ce qui est commun à ces deux systèmes graphiques et ce qui est différent, et il va se spécialiser petit à petit là-dedans.

  • Régis

    Mireille Wenner, quelles erreurs d'habitude, je mets des guillemets, les erreurs habituelles que vous voyez qui peuvent se transmettre dès la maternelle et peut-être les plus importantes qui seraient des freins pour la suite de l'apprentissage de l'écriture ?

  • Mireille Wenner

    Alors justement, par rapport à... Moi, je distingue la tenue, le maniement, mais aussi la posture de l'élève. Et c'est vrai que les premières traces graphiques faites par l'élève, ça va être du dessin, du coloriage. Donc là, déjà, on a la façon de manier le crayon n'est pas la même. Le coloriage, c'est un balayage. Le dessin, ça se fait à main levée, pour qu'on puisse faire un dessin sur toute la feuille. Alors que l'écriture, c'est quelque chose qui se fait avec la main posée. donc là déjà on peut On peut voir chez des élèves, on voit souvent chez des élèves au primaire ou au collège, des élèves qui, en fait, pour écrire, font un balayage du poignet. Et ça, c'est peut-être hérité d'une petite confusion au départ, le fait que les premières traces, c'était du balayage. Après, il y a aussi une tenue, quand ils sont tout petits, s'ils n'ont pas encore... Il y a un réflexe de préhension qui est quand on serre la main. Et en fait, on voit beaucoup de tenues de crayon à l'école primaire où c'est un héritage un peu de cette tenue-là. Moi, je dis toujours, on voit le crayon est serré dans la main et le pouce passe par-dessus les autres doigts et bloque complètement les doigts. Alors que la façon la plus efficace d'écrire, c'est quand les doigts se plient et se déplient et le bras se déplace. Et ce n'est pas le poignet qui doit faire le geste pour tracer les lettres, c'est vraiment les doigts qui doivent bouger. Donc il y a ça. Et on peut avoir, par rapport à tout ça, ça va impacter l'écriture. Ça peut impacter l'écriture de ne pas avoir tous les appuis par rapport à sa main, son poignet, son avant-bras. Ça va se retrouver directement, on peut voir sur les feuilles, on peut voir des foulages. Donc des traces comme les espions, on pourrait retrouver ce qu'ils ont écrit en prenant la feuille suivante. Je pense qu'au départ, comme je disais, il faut se laisser le temps de développer ses habiletés motrices et aussi d'organisation de l'espace en faisant beaucoup de graphismes et de dessins. Et après, vraiment bien montrer la différence à l'enfant que l'écriture, c'est on pose la main, on bouge les doigts, ce qui n'est pas la même chose.

  • Hélène

    Je vous propose, pour continuer sur toutes ces activités préparatoires à l'écriture en maternelle, d'écouter un petit extrait d'un épisode d'Energie scolaire qui s'appelait « Un coin argile en maternelle » . Et dans cet extrait, Sophie Levincent, qui est enseignante en maternelle, nous explique qu'elle favorise... La manipulation quotidienne de l'argile avec ses élèves, elle le fait pour toutes sortes de raisons, mais en particulier elle fait un lien entre cette manipulation de l'argile et la préparation du geste d'écriture et elle dit même que ses collègues de CP l'encouragent à poursuivre parce qu'ils ont l'impression que... Les élèves arrivent en CP avec des habiletés particulières, on l'écoute.

  • Mireille Wenner

    Il y a un constat qui se fait de plus en plus à l'heure actuelle en école élémentaire, c'est qu'on a des enfants qui sont crispés sur la tenue du crayon, des enfants qui tirent la langue, on a tous tiré la langue quand on écrivait, ce sont des enfants qui ont des tensions. Donc l'argile, elle, elle permet de renforcer le tonus musculaire, d'avoir une meilleure mobilité des articulations. Et elle permet aussi déjà d'avoir une vision en 3D de ce que l'on fait. C'est à ce moment-là que la main se forme et c'est à ce moment-là qu'il faut justement travailler la motricité fine et surtout la travailler en s'amusant avec de la matière qui les amène à découvrir le monde par ailleurs.

  • Hélène

    Florence Bara, est-ce que vous avez écrit dans cette collection de mythes et réalités ? C'est le moment, est-ce que... Il y a un réel effet de cette musculation, je ne sais pas comment il faudrait appeler ça, des doigts.

  • Florence Bara

    Alors, je pense qu'en fait, c'est un peu la même chose que la tenue de crayon ou tout ça. Il faut bien comprendre les mécanismes. Il y a des prérequis à l'écriture, c'est vrai. Il y a des prérequis d'habileté motrice, de motricité fine, de coordination visuomotrice. Si ces habiletés-là ne sont pas bien installées, effectivement, c'est difficile d'écrire. Par contre, ce n'est pas parce que ces habiletés sont bien installées qu'on va bien écrire. L'écriture, c'est un processus beaucoup plus complexe que ça. Ça rend dans un système alphabétique. Ce n'est pas uniquement tracer des formes, on est bien d'accord, c'est faire correspondre des lettres et des sons avec une trace écrite. Donc on est dans un système beaucoup plus global, un système alphabétique de correspondance lettres-sons dans lequel on a une trace à produire. Donc ça, c'est la première chose. Donc je dirais qu'il faut faire attention de ne pas confondre des prérequis et les répercussions que ça a sur l'écriture. Sans ces prérequis, on a du mal à écrire, on a du mal à tenir son crayon, on a mal aux muscles, effectivement. Mais ce n'est pas parce qu'on les a développés qu'on écrit bien. Donc ça, c'est la première chose. Et deuxième chose, il faut faire attention à ne pas se focaliser sur des éléments externes à l'écriture. Donc certes, les tenues de crayon, on sait que quand les enfants ont des tenues complètement immatures, où on a tous les bras, tous les doigts serrés sur le crayon, qu'ils ne peuvent pas bouger les doigts, ce n'est pas efficace. Par contre, ce qu'ont montré les recherches, c'est qu'il n'y a pas non plus une obligation d'une prise normée. On voit beaucoup l'obligation de la prise en tripode, là, entre les trois doigts. le pouce et l'index sont en opposition, et puis le stylo appuyé sur le majeur, ce n'est pas la seule position. À partir du moment où le crayon peut bouger, qu'il a un angle de mouvement, à partir du moment où le poignet peut se déplacer sur la feuille et que les doigts sont mobiles, à ce moment-là, la prise, il n'y a plus d'effet sur la lisibilité et la qualité. D'ailleurs, les adultes ont des prises de crayon très différentes les uns des autres. Donc, bien sûr que ça a une importance. Il ne faut pas être trop crispé, il ne faut pas mettre trop de pression, sinon on ne peut pas écrire de manière fluide. Mais il ne faut pas non plus donner trop d'importance à ça, parce que dans le sens qu'il ne faut pas que ça devienne trop normé, il ne faut pas imposer une tenue. Effectivement, si on sent que l'élève a des difficultés, en général ce n'est pas que la tenue d'ailleurs, c'est tout un ensemble, c'est parce qu'aussi on a du mal à programmer son geste, que par répercussion on se crispe sur le stylo et qu'on a du mal à le tenir. Donc il ne faudrait pas que des éléments, un peu des artefacts de l'écriture, deviennent le cœur de l'enseignement et de l'apprentissage. Et sur la posture, c'est pareil. Il y a des recherches qui montrent qu'effectivement, il faut que le poignet et le coude puissent reposer sur la table pour bien écrire. Ça, c'est clair. Par contre, il n'y a aucune étude qui a réussi à montrer, par exemple, que le buste, s'il était plus ou moins rapproché, si les pieds étaient bien posés par terre, si les fesses étaient tordues, ça, ça ne fait pas de répercussion directe sur l'écriture. Donc, je le dis juste parce qu'il y a quand même des subtilités en recherche. Il y a des choses qui sont montrées, d'autres pas. Et parfois, comme le plus visible, c'est la posture et la tenue, on peut avoir des enseignants qui du coup agissent sur ce qui est le plus visible, pareil pour la forme, sans aller vers toute la dynamique et le processus de l'écriture.

  • Régis

    Vous dites enseignant, parent aussi, effectivement, qui s'attache à ce genre de choses. Mireille Wenner, vous qui intervenez parfois individuellement auprès d'un élève, pour les parents qui nous écouteraient, qu'est-ce qu'on pourrait leur proposer pour leur enfant à la maison ? Justement, on comprend qu'il ne faut pas être aussi attentif que ça à la posture, à la manière dont il tient son crayon. Qu'est-ce qu'on pourrait leur conseiller ?

  • Mireille Wenner

    Alors, est-ce que je pourrais juste revenir sur ce que Florence a dit ? C'est possible ?

  • Régis

    Bien sûr.

  • Mireille Wenner

    Donc moi, j 'ai effectivement parlé de la tenue, du maniement, de la posture, tout ça. En fait, il y a quand même beaucoup d'élèves qui, même avec une mauvaise tenue, même avec une posture, qui finissent par écrire correctement. Et moi, je n'interviens que souvent à la demande des parents ou en classe si l'écriture est illisible ou bien s'il y a des douleurs. Et clairement, quand c'est illisible et qu'il y a des douleurs, mais c'est justement sur la tenue, le maniement que... qu'on arrive à faire progresser l'élève vraiment de façon incroyable, on va dire, parce qu'en ne changeant vraiment pas grand-chose, une habitude, en changeant une habitude, voilà. Si le résultat final, si l'écriture est lisible, si elle est fluide, si elle est rapide, eh bien, on ne doit pas intervenir, en fait, parce que, justement, en donnant certaines injonctions, comme par exemple, mets ta feuille droite, En fait, on va le mettre en difficulté parce que si vous posez vos deux mains sur la table, naturellement, sans réfléchir, vos deux mains ne vont pas être perpendiculaires à la table. Elles seront légèrement inclinées. Et en fait, si on aligne tout, le bras qui est posé sur la table avec la feuille, le crayon, justement une feuille qui va être redressée perpendiculaire à la table. on va mettre l'enfant en difficulté par rapport à ça. Donc le conseil, c'est si le résultat est tout à fait correct et tout à fait efficace, on ne fait rien. Et si jamais l'élève est en difficulté, si l'enfant est en difficulté par rapport à l'écriture, on essaye justement de voir où est-ce que ça ne va pas. Est-ce qu'il manque un appui sous le bras ? Est-ce qu'il manque un appui ? Alors on peut le voir tout simplement. Quand il manque un appui, je vous ai parlé des foulages, on peut voir s'ils appuient trop fort sur le crayon, ça c'est signe forcément de tension et l'enfant peut se plaindre d'avoir mal au bras. On peut aussi voir des élèves qui, comme il manque un appui quelque part, le bras, l'avant-bras, peu importe, on peut voir des fois l'index qui devient... Alors vous pouvez essayer, si maintenant vous appuyez très fort sur la table avec votre index, vous allez voir qu'il va devenir tout blanc au bout et rouge. un peu moins au bout du doigt. Et si vous voyez votre enfant avec un doigt de cette couleur-là, c'est qu'il y a quelque chose à faire parce qu'il y a trop de pression sur ce doigt. Voilà. Après, voilà, c'est les conseils que je peux donner rapidement.

  • Hélène

    Alors, c'est très visuel et je peux vous dire que tout le monde a fait les gestes, a testé son doigt et effectivement, c'est très parlant. Je vous propose qu'on avance un petit peu. Donc, on était un peu sur ces... passage obligé de la maternelle, de l'apprentissage, enfin en tout cas de la préparation à l'apprentissage. Et on va passer dans un deuxième temps, donc vraiment sur l'enseignement de l'écriture, de bien écrire à écrire vite. Alors là, l'idée, c'est de voir un petit peu comment cet enseignement se pratique et puis aussi qu'elles sont un peu, on parlait d'injonction, c'est vrai qu'il y a beaucoup de choses auxquelles les enseignants vont être attentifs, certaines qui sont efficaces, d'autres peut-être plus contre-productives. Florence Barra, déjà, est-ce que copier un texte, écrire longuement, de façon récurrente, c'est utile ? ou pas, pour apprendre à écrire ?

  • Florence Bara

    Alors, pour apprendre à écrire, disons, dans les premières étapes, pas forcément. Copier, c'est plus de l'entraînement, je dirais. Il y a pas mal de recherches autour de ces questions-là. Comment est-ce qu'on fait ? Déjà, on a besoin de mémoriser la forme de la lettre. Et du coup, pour bien la mémoriser, être capable de la reproduire, en fait, les plus efficaces, ça va être des exercices qu'on appelle plutôt de copie différée, où on va montrer le modèle. On va travailler aussi sur le modèle de la lettre. Évidemment, ce n'est pas la seule chose qu'on va faire. Il faut déjà qu'il y ait une bonne représentation visuelle de la lettre en mémoire. Donc, on peut montrer le modèle de la lettre, demander à l'enfant de l'analyser, lui donner des indices visuels, mettre des flèches, des couleurs aussi sur le modèle, décrire ce modèle aussi verbalement, le tracer soi-même devant l'enfant. En tout cas, faire tout un tas d'activités qui permettent à l'enfant de bien mémoriser la forme visuelle. Puis après, on lui enlève et on lui demande de la recopier. Une fois qu'il l'a copiée, au début, évidemment, il va avoir du mal à la copier, peut-être pas en entier tout ça, mais on lui remonte la forme. On lui remonte comment on peut la faire, on l'enlève et on lui demande à nouveau de la recopier. Donc, sans qu'il ait le modèle, on sait que le fait d'avoir le modèle visuel tout le temps, ça fait qu'on va être dans une tâche vraiment d'essayer de copier des fois, trait par trait, cette lettre. Et ça ne participe pas forcément à la représentation globale de la lettre. Donc, ce type d'activité, en tout cas, c'est plus efficace dans les recherches pour apprendre à écrire les lettres. plutôt que des pures activités de copie seule, où je vais m'entraîner à copier la lettre. Donc il faut diversifier aussi ces apports-là et ces pratiques. Et ça, c'est des choses qui vont être plutôt efficaces. Travailler d'abord sur construire une bonne représentation visuelle de la lettre, pour après la reproduire, pour avoir associé aussi la représentation visuelle de la lettre avec la représentation motrice. On peut aussi entraîner le geste de manière plus simple, en faisant tracer. avec des lettres en creux par exemple, avec des rails qui vont permettre aussi de s'entraîner à un geste sans avoir à gérer en même temps. J'essaye de découvrir une forme et de la retracer en même temps. Donc ça c'est des exercices complémentaires, ça veut pas dire qu'on fait pas de copie. Mais ce qu'on voit le plus souvent comme pratique en classe, c'est des exercices vraiment de copie de modèle. Il y a plein d'autres choses à proposer qui vont faciliter l'apprentissage de l'écriture.

  • Régis

    Mireille, vous voulez rebondir ?

  • Mireille Wenner

    Oui justement, donc Une fois que l'élève maîtrise le modèle, moi ce que je conseille aussi, c'est très rapidement de l'associer à d'autres lettres. Parce que la combinaison des lettres fait que chaque lettre doit s'adapter à la lettre qui vient avant et la lettre avant doit s'adapter à la lettre d'après. Alors c'est plus parlant par exemple pour les lettres qui terminent en O, comme le V, le O, le B. Et parce qu'on voit souvent des élèves qui arrivent en cycle 3 et qui continuent après un B par exemple à redescendre sur la ligne pour tracer un I parce que justement ce modèle il a été fixé dans leur mémoire et donc très rapidement, surtout dès le CP, on refait le modèle mais on l'associe très rapidement à d'autres lettres après.

  • Régis

    Florence Barra, ça ouvre presque la question du dogme de l'écriture cursive en France.

  • Florence Bara

    J'allais y venir. Effectivement, ces nécessités d'accroche, c'est spécifique à la cursive, qui est l'écriture qu'on apprend, donc ce n'est pas unanime dans les différents pays. Donc nous, on a mené différentes recherches autour de ces questions-là et nos résultats nous amènent plutôt à conclure que l'écriture script est plus facile et plus rapide. que l'écriture cursive, contrairement à ce qu'on peut imaginer souvent, cette fluidité, rapidité de l'écriture cursive qui est vraiment un mythe. Donc en script, effectivement, on a moins ces problèmes-là. Alors, ça pose aussi des questions sur dans quel niveau on parlait de la difficulté d'apprendre à écrire. C'est vrai que c'est extrêmement complexe l'écriture. Et comme le dit Mireille, c'est vrai que l'attachement des lettres crée une complexité supplémentaire très forte, avec des variations de lettres. Ça crée aussi un intérêt parce que ça permet aussi à l'enfant de comprendre qu'on peut avoir des variations de formes sans que ça change la lettre. Et ça, on sait que c'est un apprentissage très important aussi pour rentrer dans le système alphabétique. Ce n'est pas une représentation purement standard. Les lettres, elles peuvent varier, elles peuvent se modifier. Pourtant, c'est toujours les mêmes mots qu'on va lire et ça représente toujours les mêmes sons. Donc, ça aussi a un intérêt. Donc voilà, il ne faut pas l'oublier. Nos recherches montrent aussi que cette variabilité aussi avec les formes cursives ont un intérêt. Mais en même temps, ça... Ça pose des grosses difficultés à l'enfant, cette écriture cursive, très normée, attachée, à laquelle le système français est très attaché. Mais ça ne fait pas l'unanimité dans tous les pays. Et apprendre en script, ce n'est pas inintéressant non plus. Ça permet d'apprendre plus vite, d'aller plus vite et d'avoir moins de difficultés aussi pour des élèves qui auraient des difficultés motrices, tout simplement.

  • Hélène

    Ça veut dire que ça serait intéressant, par exemple, pour des élèves dont on perçoit précocement qu'il y a des difficultés de rapidité, des ans. On pourrait imaginer qu'ils travaillent essentiellement avec une écriture script et qu'ils sautent cette étape de la cursive. Ou est-ce que ce n'est vraiment pas envisageable dans le système éducatif français tel qu'il est actuellement ?

  • Florence Bara

    Pour les élèves à besoin éducatif particulier, c'est envisageable, c'est parfois préconisé. Moi, j'aurais plutôt l'idée de le préconiser avant le clavier. finalement de déjà tester est-ce que les enfants sont capables quand même de maîtriser un système écrit manuel avant de passer directement au clavier parce que ça a quand même un intérêt comme je vous disais puisque les lettres qu'on écrit c'est aussi celles qu'on reconnaît le mieux, donc ça a vraiment un intérêt en soi. Ça peut être proposé parfois dans des plans d'accompagnement pour des élèves qui ont des difficultés reconnues. C'est pas toujours accepté, c'est pas toujours valorisé ce changement de police d'écriture. Pour des élèves qui ont des troubles du développement intellectuel, qui peuvent avoir aussi des difficultés motrices associées, c'est des choses qu'on voit assez régulièrement en termes d'adaptation du parcours d'apprentissage. Mais à mon avis, ça gagnerait à être proposé aussi. On a plutôt tendance à passer directement au clavier quand on voit que les difficultés sont trop fortes.

  • Régis

    Mireille Wenner, moi j'ai très envie de vous demander les conseils que vous donneriez à des enseignants, professeurs des écoles, mais peut-être plus au collège, qui voudraient mettre en place des rituels. Soyons fous des rituels, je dirais, courts et efficaces.

  • Hélène

    Alors, il est possible de mettre des rituels courts et efficaces en place, mais après, peut-être plus avec des enseignants de cycle 2, donc à partir du CP, CE1, peut-être CE2, mais après, ils sont tellement pris dans tout ce qu'ils ont à faire qu'ils ont du mal à se dire, oui, non, mais je ne peux pas encore coincer cinq minutes ou dix minutes par jour juste pour le geste d'écriture, même si pour certains élèves, ça pourrait être efficace. et donc j'ai pu tester l'année dernière dans une classe de CP où je suis allée une fois par semaine justement mettre en place des petits rituels vers une tenue plus efficace, un maniement plus efficace, un déplacement du bras, voilà. Et le résultat au bout d'une année, donc moi je ne peux venir qu'une fois par semaine, mais l'enseignante reproduisait le rituel toute la semaine pendant cinq minutes à peu près par jour. et donc... Elle a été, à la fin de l'année, elle a été vraiment étonnée de voir que tous les élèves tenaient à peu près leur crayon correctement, le maniaient correctement. Et donc, c'est que ces petits rituels ont porté leurs fruits avec ces élèves-là. Après, c'était une classe en REP+, avec uniquement dix élèves. Donc, c'était peut-être plus facile à mettre en place comme ça.

  • Régis

    Il y a une autre chose aussi qu'on met souvent en avant, c'est le soin, c'est la belle écriture. Alors, on n'est plus à la plume, mais quand même, il y a cette idée qu'il faut écrire bien. Et donc, est-ce qu'il vaut mieux écrire doucement et bien ou est-ce qu'il vaut mieux écrire vite et moins bien ? Florence Barra, je ne sais pas si vous avez une réponse à ça. J'ai l'impression qu'il faut viser l'efficacité à un moment donné.

  • Mireille Wenner

    Si, bien sûr. Il faut viser l'efficacité, c'est sûr. il faut viser un compromis entre les deux. Parce que l'écriture, elle est destinée quand même à être... relu à un moment donné. Donc forcément, il y a un minimum de lisibilité à avoir. Après, si la lisibilité se fait au détriment de la vitesse, ce n'est pas du tout efficient non plus, puisque l'intérêt de l'écriture, c'est de pouvoir avoir une écriture automatisée pour faire autre chose, pour pouvoir produire des textes, pour écrire des mots, pour pouvoir prendre des notes. Pour ça, il faut que le geste moteur soit automatisé pour qu'on puisse avoir des ressources cognitives libres pour faire autre chose, pour faire des traitements, on va dire, de plus haut niveau. Donc le but quand même, c'est d'automatiser l'écriture. Ce n'est pas d'avoir une belle écriture, c'est d'avoir une écriture lisible et automatisée. Automatisée, ça veut dire rapide, fluide et qui ne me demande pas beaucoup de réflexion et pas beaucoup de coups cognitifs. Donc c'est quand même ça le but. Donc il ne faut pas que la qualité se fasse au détriment de la vitesse et de la fluidité. Donc je pense que c'est surtout ça qu'il faut dire. Et parfois, on insiste. énormément sur l'aspect calligraphique, sur la beauté, sur le respect de la ligne, des interlignes qui sont très sévères chez nous, très précises, ce n'est pas le cas. Il y a des pays où on écrit juste sur une seule ligne. Donc, si tout ça se fait au détriment de l'automatisation, là, c'est un vrai problème, par contre.

  • Régis

    Mireille ?

  • Hélène

    Oui, donc, par rapport à ça, je voulais dire, justement, dans ces rituels que l'on a mis en place avec cette collègue, Le but, c'est justement que l'écriture devienne un mouvement et que l'élève, par rapport à ce que disait Florence, le respect de la ligne, ça devient juste un petit contrôle visuel parce que le bras, lui, se déplace déjà dans l'alignement de cette ligne. Il se déplace déjà justement le long de cette ligne, donc il n'y a plus besoin de faire attention à ça. Tous les rituels sont assez basés sur le mouvement et pour que justement ce mouvement s'automatise. Et souvent, c'est pour ça que j'ai choisi d'essayer ces rituels en CP. C'est parce que souvent, en CP, quand on écoute les parents, ils disent « je ne comprends pas au CP, il avait une belle écriture, il écrivait bien. » Et arrivé au CE1, où justement, il y a un peu plus à écrire, des leçons à écrire et tout ça, et là, ça part en vrille. Et on se dit « pourtant, l'année dernière, il écrivait tellement bien. » Oui, mais il écrivait très doucement. et donc si justement Dès la maternelle, puis ensuite au CP, on met en place des rituels où l'écriture, justement, va donner du rythme à l'écriture, du mouvement. Ça va simplifier le geste d'écriture et il va pouvoir passer, il va pouvoir s'automatiser et libérer. On va pouvoir libérer de la place pour justement se concentrer sur ce qu'on écrit.

  • Florence Bara

    Et si ça n'a pas marché, rassurez-vous, il y a le troisième temps de l'émission. On va voir qu'il est possible de réparer l'écriture. Les mots MAUX, des mots MOTS. Alors effectivement, il y a des remédiations possibles, mais je vais vous laisser la parole Mireille, sur les difficultés, le type de difficultés que vous rencontrez chez les enfants.

  • Hélène

    Alors, comme je disais tout à l'heure, ça va être une tenue qui n'est pas efficace. C'est-à-dire que, par exemple, justement, quand on tient son crayon, et ça, on le voit énormément dans les classes, même au collège, on voit le pouce qui passe devant tous les doigts et qui va tout bloquer. Donc, moi, je dis toujours, quand vous jouez au Lego, Vous n'allez pas bloquer vos pouces et bloquer vos doigts et vous n'allez pas vous servir de vos poignets pour bouger vos Legos. Donc voilà, c'est déjà une première chose. Après, il y a aussi ce pouce qui passe devant, il empêche le maniement du crayon, il empêche le crayon de se déplacer normalement. Et forcément, écrire avec son poignet, on va être moins précis. Donc ça, c'est déjà une chose qu'on peut, avec des petites manipulations, ce n'est pas du tout de l'écriture, parce que souvent, On me dit, je fais déjà des difficultés pour les enfants, ils sont un peu peur parce qu'ils se disent, elle va me faire écrire. Non, pas du tout, parce qu'on va vraiment travailler sur la tenue, le maniement et la posture.

  • Régis

    Là, on voit qu'effectivement, il y a des difficultés qui sont de l'ordre du maniement, etc. Florence Barra, quelle différence est-ce qu'on fait entre un élève qui a des difficultés à écrire vite et lisiblement, pour peut-être effectivement ce type de raison ou pour d'autres ? Et un élève qu'on va dire dysgraphique, est-ce qu'on va intervenir de la même façon ? Pour un enseignant, comment est-ce qu'il peut déterminer ces différentes situations ?

  • Mireille Wenner

    Après, disons qu'il va y avoir un diagnostic si l'élève a une dysgraphie. Ça dépend à quel niveau, à quel moment de l'enseignement on se situe. Quand on est au début, de toute façon, on a toujours aussi ces questions d'apprentissage. qui peut être être plus ou moins long, donc il y a toute une période où on ne sait pas si on est face à un vrai trouble ou si juste c'est une lenteur d'apprentissage. Donc au début, on va mettre les moyens pour travailler sur l'écriture avec tout ce qu'on connaît, travailler sur les représentations de la lettre, travailler sur le geste, sur la production du geste. Et puis si vraiment on voit qu'il y a des difficultés extrêmement fortes, à un moment donné, il arrivera sûrement un diagnostic. Et quand on rentre dans le trouble, il y a certes la rééducation qui doit se faire. mais il y a aussi la compensation et le contournement qui doivent se mettre en place à l'école. Puisque le souci, c'est comme pour un dyslexique qui aurait des difficultés à lire, lecture et écriture, c'est vraiment les deux supports de l'apprentissage tout au long de la scolarité. Donc, à partir du moment où l'élève est en très grosse difficulté sur un de ses mécanismes, donc là, sur l'écriture en l'occurrence, ça veut dire du coup qu'il va être en difficulté dès qu'il doit copier, dès qu'il doit prendre des notes, dès qu'il doit écrire un texte ou même dès qu'il doit copier un énoncé. Et du coup, toutes ces ressources cognitives vont être allouées à cette tâche d'écriture, au détriment de ce qu'il doit en faire. C'est-à-dire que tout le temps qu'il va passer à copier son énoncé de maths, c'est du temps en moins pour comprendre cet énoncé, pour comprendre ce qu'il doit faire. Donc, il risque d'échouer dans la majorité des tâches scolaires. Et là, évidemment, ça se fait en parallèle de la rééducation, mais le rôle de l'enseignant, ça va être de trouver des moyens pour qu'il ait moins à copier. Parce qu'un élève qui est en difficulté, copier en même temps qu'il fait d'autres tâches, Ça ne va pas l'aider à automatiser, ça va juste lui faire une charge supplémentaire qui va détériorer ses autres apprentissages. Donc évidemment, on va plus lui donner de photocopies, on va plus parler à l'oral, lui expliquer la consigne à l'oral, la répéter, plutôt que lui demander de copier un certain nombre de choses. Donc voilà, c'est ces deux idées qui doivent coexister, la rééducation, mais qui est plutôt faite par des professionnels, je dirais à l'extérieur de l'école à un moment donné, et puis le contournement en classe pour que l'élève puisse continuer à apprendre. malgré les difficultés qu'ils rencontrent dans l'écriture.

  • Florence Bara

    Je vous propose qu'on écoute un extrait d'un autre épisode d'une autre famille de podcasts d'extra-classe qui est entre profs. C'est l'épisode numéro 5 où on entend une enseignante, Aurélie Hollard, qui explique ce qu'elle propose à des élèves qui ont des difficultés d'écriture et qui ne peuvent pas se relire parfois. Et tout est dit dans le titre de l'épisode qui est « Dois-je donner des photocopies ou faire écrire mes élèves ? »

  • Speaker #4

    On a des élèves, même si on les fait écrire, Ils ne vont pas être en mesure d'avoir une graphie correcte ou d'aller au même rythme que les autres. Donc là, c'est vraiment en circulant dans notre classe, en fait, et en repérant les élèves qu'on va pouvoir voir si effectivement ils arrivent bien à écrire, s'ils arrivent à se relire, et auquel cas, si ce n'est pas possible et qu'on a discuté avec eux, on peut leur proposer la trace écrite. Mais là, ça va être quand même davantage du cas par cas.

  • Florence Bara

    Florence Barr, une réaction à cette efficacité de vouloir faire écrire à tout prix, alors qu'une photocopie, ça peut... pour solutionner le problème ?

  • Mireille Wenner

    Il y a toujours l'idée qu'on apprend en s'entraînant. Pas toujours, comme je vous disais. Si ça devient une surcharge, si c'est une surcharge cognitive de gérer à la fois la lecture et l'écriture, par exemple, parce qu'on va copier, il faut lire en même temps et il faut comprendre surtout. À ce moment-là, on ne s'entraîne plus. On est juste en souffrance à avoir trop de choses à copier. On va avoir des élèves qui s'épuisent parce que c'est trop difficile pour eux de copier. Et du coup, ils ne s'entraînent pas du tout. Ils vont plutôt arriver à un rejet de l'écriture, c'est plutôt ce qui va se passer si on a un élève qui est en difficulté avec le geste moteur et qu'il a toute la journée des tâches d'écriture, des tâches d'écriture. il ne va pas s'entraîner, il va se lasser et ça va se faire au détriment des autres apprentissages. Donc quand on est dans l'entraînement, on est vraiment dans l'entraînement. C'est-à-dire que ça ne me met pas en retard si je n'ai pas réussi à faire cette tâche de copie, ça ne me met pas en retard sur les apprentissages scolaires que je dois faire. L'entraînement, ce n'est pas censé mettre en retard. Voilà, c'est ça que je voulais dire.

  • Hélène

    Ça fait écho avec la notion de cœur de cible. Donc, qu'est-ce qu'on vise exactement ? Si on est en histoire-géographie et que le but, c'est d'acquérir des connaissances en histoire ou en géographie, et que l'élève n'arrive pas à relire ce qu'il écrit, ça va être contre-productif pour lui. En plus, ça va le dégoûter un petit peu de l'écriture aussi, parce que si c'est une difficulté et qu'il n'arrive pas à se relire et qu'on le fait écrire tout le temps, après, il y a aussi, moi je vois aussi beaucoup ça en collège, de... Il faut que les élèves écrivent parce que sinon, qu'est-ce qu'ils font pendant ce temps-là ? Donc, il y a des habitudes à mettre par rapport à ça. Peut-être dire à l'élève, je te donne la photocopie, mais tu vas te relire. Et puis, je te poserai une ou deux questions. Tu vas lire le cours pendant que les autres l'écrivent. Il faut essayer de le motiver à s'occuper pendant que les autres écrivent parce que le temps d'écriture est assez long en classe, surtout au collège.

  • Florence Bara

    Oui, Mireille, vous qui avez été justement aussi enseignante en Ulysse Collège, Un élève qui arriverait en collège avec une écriture cassée, est-ce que c'est rattrapable en collège ?

  • Hélène

    C'est rattrapable à tout moment, mais comme je disais, souvent c'est une habitude qu'on a prise, une façon d'écrire, une façon de tracer les lettres, tout ça c'est des habitudes qui sont très bien installées et il faut avoir la volonté de changer. Donc c'est un petit peu compliqué. Alors quand un élève n'arrive pas à se relire, on arrive souvent à le convaincre, on dit bon, clairement il faut qu'on fasse quelque chose. Mais par exemple, on a aussi une des réparations d'écriture qui est la plus compliquée, c'est une élève ou un élève qui écrirait très bien, mais très lentement. Parce que pour lui, son geste, son écriture, elle est très lisible, elle est surtout très belle, et c'est compliqué de lui dire il faut que tu remettes en question ces habitudes d'écriture que tu as bien installées.

  • Régis

    Florence Barra, vous nous disiez que l'automatisation du geste d'écriture, elle s'acquiert finalement un peu avant l'arrivée au collège, c'est ça à peu près, dans ces âges-là ?

  • Mireille Wenner

    Oui, c'est ça.

  • Régis

    Ça veut dire quand même qu'on est peut-être très exigeant, ce qu'on a l'impression d'être une écriture peut-être pas maîtrisée, un problème, etc. C'est peut-être simplement qu'il faut encore un peu de temps.

  • Mireille Wenner

    Oui, alors c'est sûr qu'on a souvent un niveau d'exigence quand même assez élevé pour un apprentissage qui est très long. On a souvent même cette idée qu'arriver au cycle 3, c'est bon. Ils doivent pouvoir copier de manière assez habile. On a fini la phase, on va dire, d'apprentissage. On est encore quand même dans une automatisation qui se met en place petit à petit. Et ça veut dire qu'autour de 10 ans, c'est la moyenne des enfants qui arrivent à cette automatisation. Mais il y en a plein qui n'y arrivent pas, bien sûr. Donc, on a un peu tendance des fois à se... caler sur ceux qui arrivent le mieux aussi, qui maîtrisent, il y a des différences inter-individuelles très fortes. Donc, on a une exigence de toute façon très forte par rapport à l'écriture. Et surtout, le souci, je dirais, c'est qu'on part assez vite du principe que ce n'est plus une tâche coûteuse. Donc, on va souvent avoir l'impression que copier quelques lignes, ce n'est pas coûteux. Ça l'est encore pendant longtemps. Pour la majorité des enfants, ça l'est quand même tout le long de primaire, et même au collège, il y a encore énormément d'enfants pour lesquels c'est une tâche coûteuse. Donc, c'est ça aussi, c'est prendre en compte le fait que ça reste une tâche coûteuse et que même ceux qui arrivent à le faire, c'est quand même coûteux pour eux. C'est-à-dire que même eux, ça leur coûte et c'est au détriment aussi d'autres aspects. Alors évidemment, chez les bons élèves, ça ne se voit pas parce qu'ils ont tellement de ressources que même quand c'est coûteux, ils arrivent quand même à comprendre tout ça. Mais il faut bien garder en tête que l'écriture reste toujours une tâche coûteuse, d'ailleurs même pour un adulte parfois. juste pour la petite anecdote, il y a quand même des recherches qui montrent que... Chez les adultes qui prennent des notes, les étudiants, l'écriture est très coûteuse, plus que le clavier. Alors avec des effets qui peuvent être positifs, parce qu'il y a une recherche qui avait comparé les prises de notes chez des étudiants à la fac entre ceux qui prenaient au clavier et ceux qui prenaient en écriture manuscrite. Et en fait, les étudiants qui prenaient en écriture manuscrite réussissaient mieux. Alors ce n'est pas un effet magique de l'écriture manuscrite, mais c'est comme c'est plus coûteux. Ils écrivaient moins et du coup, ils synthétisaient plus le cours. Donc en fait, ils faisaient un premier travail. beaucoup plus fort de réflexion autour du cours pour finalement prendre moins de notes parce que c'est coûteux. Et ceux qui étaient au clavier, ils notaient tout parce qu'ils vont beaucoup plus vite avec la frappe au clavier. Donc voilà, pour retenir deux choses, ça reste coûteux. même pour un adulte, mais parfois le fait que ça soit coûteux, ça peut avoir des bénéfices, puisque du coup, on fait un travail avant pour écrire moins.

  • Florence Bara

    Et sur le lien Florence Barra, entre lecture, écriture et orthographe, est-ce que les difficultés sont liées ? Il y a un lien de l'un vers l'autre et dans quel sens peut-être ?

  • Mireille Wenner

    Alors, il y a un lien bidirectionnel. On va dire qu'on sait que plus les lettres à produire sont complexes à un niveau moteur et plus j'ai de chances de faire des fautes d'orthographe. et vice-versa, plus les mots sont faciles à produire et plus je vais écrire vite. Donc il y a vraiment une interaction entre les deux, c'est complètement bidirectionnel. Ça reste le même système, c'est un système alphabétique lecture-écriture. Au fur et à mesure qu'on apprend à écrire, on construit des réseaux neuronaux qui sont spécifiques à la reconnaissance des mots et à leur écriture. Donc on est dans un système langagier de correspondance entre des lettres et des sons, des des formes visuelles qu'on va voir et des formes qu'on va tracer avec un geste moteur. Mais ça reste le même système, donc ce n'est pas surprenant qu'il y ait des interactions très fortes entre ces différents systèmes.

  • Régis

    Alors peut-être pour terminer, Mireille, j'avais envie d'une petite... C'est pareil, j'ai une question un petit peu qui gratte, mais est-ce que c'est grave de ne pas bien écrire, surtout pour des élèves, qu'on voudrait motiver à bien écrire quand toute la société autour d'eux... J'exagère peut-être, mais presque quand même. Effectivement, le modèle des adultes, etc., n'écrit pas, en fait, ou n'écrit plus, ou peu. Est-ce que, finalement, les alternatives, effectivement, numériques ou autres, peuvent prendre le pas à partir d'un certain moment, et puis ce n'est pas grave ?

  • Mireille Wenner

    Alors, justement, si... On va dire qu'à la fin du collège, le geste est automatisé et arrive le lycée. Et là, maintenant, la norme, c'est qu'au lycée, ils reçoivent un ordinateur. Et donc, si le geste d'écriture était douloureux, était lent avant d'avoir l'ordinateur, pendant ces trois années de lycée, ils ne vont quasiment pas écrire. Mais arrivé au bac, les épreuves, pour l'instant, la plupart se passent avec un stylo dans la main et on doit écrire. et souvent... On entend les élèves qui sortent des épreuves du bac, même après si c'est des épreuves écrites à l'université, de dire qu'ils ont mal à la main, mal au bras, parce qu'ils ont même perdu l'habitude d'écrire, en tout cas plusieurs heures de suite quand on fait un examen.

  • Florence Bara

    Peut-être juste pour rebondir là-dessus, on parlait au début des prérequis de motricité fine, tout ça, mais il faut savoir que l'écriture, c'est un exercice de motricité fine et qu'à force d'écrire... on entraîne aussi sa motricité fine. Et il n'y a pas beaucoup d'études, mais il y a des études qui montrent que les adultes qui écrivent énormément au clavier ont aussi des habiletés motricité fine qui régressent un petit peu. Donc, c'est aussi un exercice de motricité fine et ça développe aussi quelque chose.

  • Mireille Wenner

    Ce qu'il y a, c'est que les adultes n'ont pas besoin d'aller passer le baccalauréat. Parfois, ils ont besoin d'écrire quand même dans la vie professionnelle. Ça peut diminuer en autonomie, parfois.

  • Hélène

    Merci beaucoup à toutes les deux pour ces indications, ces conseils. Et puis aussi, peut-être parfois, on a relativisé des inquiétudes qu'on pourrait avoir. Il faut se donner le temps, peut-être. On passe à un temps d'inspiration. On vous a demandé toutes les deux de réfléchir à quelque chose que vous auriez envie de partager avec nos auditeurs et auditrices. Je commence avec vous, Mireille.

  • Mireille Wenner

    Je vous ai beaucoup parlé de la tenue, du paniement, ce pouce qui passe devant, les doigts qui peuvent devenir d'une couleur écarlate et à la fois blanc. Je ne vous ai pas prévenu au début, mais je vous ai peut-être inoculé un virus. Parce que maintenant, à chaque fois que vous verrez quelqu'un écrire à l'école, à la banque, le serveur, au restaurant, vous ne pourrez plus vous empêcher de voir peut-être ce qui ne va pas, ce pouce qui passe devant. et et qui bloquent complètement l'écriture. Mais vous pourrez constater que pour certains, le résultat final finalement est tout à fait acceptable et que pour d'autres, on a des petites pattes de mouche.

  • Hélène

    Florence, est-ce que vous avez une inspiration qui vous vient ?

  • Florence Bara

    Alors moi, j'aurais envie de proposer aux enseignants aussi de se donner un peu plus de liberté par rapport aussi à cet apprentissage de l'écriture, en visant plus la finalité, en étant moins stressé aussi par ce cadre très normé, qui des fois peut détourner l'enfant du but final. qui est à un moment donné de pouvoir écrire en autonomie, de pouvoir aussi produire des textes, de pouvoir réfléchir sur ce qu'on a écrit. Et ça, du coup, c'est... Moi, j'ai travaillé pas mal, enfin, quelques années au Québec et le cadre était plus souple et ils n'étaient pas moins bons scripteurs. Il y avait, voilà, ils écrivaient sur une seule ligne, ils écrivaient en écriture script. Il y avait des normes de lisibilité, mais pas de belles écritures calligraphiées. Et du coup, ça, c'est quelque chose aussi que j'ai envie d'apporter un peu en France. Ça ne veut pas dire qu'on laisse faire n'importe quoi. Évidemment, il faut que l'écriture soit fluide et lisible. Mais ça veut dire que peut-être on peut s'écarter un peu d'un cadre hyper normé.

  • Régis

    Une inspiration presque en forme de conclusion. Donc, pour terminer cet épisode, j'ai envie de dire à ceux qui nous écoutent, votre ado ou vos élèves sont avachis sur leurs feuilles. Elles ont l'air toutes de travers. Ça n'est pas grave. Ça n'est pas grave. Son écriture est cassée, vous pensez qu'il est trop grand pour que ça puisse se réparer ? Faux, ça peut se réparer. Donc allez voir un petit peu en ligne ce que proposent nos invités, j'ai envie de dire, sur cet épisode, et notamment beaucoup de mythes autour de l'écriture. J'espère qu'on en a chassé quelques-uns, quelques réalités à aller explorer. Merci beaucoup Florence Bara et Mireille Wenner pour cet épisode.

Chapters

  • Le geste fondateur pour préparer l'écriture

    04:16

  • Enseigner l'écriture : de bien écrire à écrire vite ?

    21:53

  • Réparer l'écriture : les maux des mots

    33:44

  • Inspirations des invitées

    47:53

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Description

Le geste d'écriture se construit dès la maternelle, mais son automatisation n'est pas acquise avant l'entrée au collège. Dans cet apprentissage au long cours, il existe quelques principes et méthodes éprouvés, mais aussi quelques habitudes contreproductives. Et puis il faut y consacrer du temps bien sûr, et souvent dès le cycle 3 on ne le travaille plus explicitement.
Comment enseigner l'écriture, la rendre efficace et fluide ? Comment la « réparer » chez des élèves qui ne l'ont pas acquise correctement au cours de leur scolarité ? Faut-il écrire bien ou vite ? Copier un texte est-il utile pour s'entraîner ? Et quel lien avec l'apprentissage de la lecture et la compréhension des textes ? Cet épisode vous donne des clés pour mieux appréhender cet apprentissage, du 1er au 2nd degré, et remet aussi en question quelques idées reçues.
Avec :
Florence Bara, professeure des universités en psychologie cognitive et développement, enseignante chercheuse à l’Inspé de Toulouse et membre du laboratoire Cognition Langues Langage. Ses recherches portent sur le processus d’apprentissage de la lecture et de l’écriture.
Mireille Wenner, professeure des écoles, référente REP+ et graphodidacticienne.

Les extraits que vous avez entendus sont issus des épisodes Extra classe :

Florence Bara, Jean-Luc Velay, Marie-Thérèse Zerbato-Poudou, Enseigner l'écriture, coll. « Mythes et réalités », Éditions Retz, 2025.

Chapitres :

00:00 Introduction
04:16 Le geste fondateur pour préparer l'écriture
21:53 Enseigner l'écriture : de bien écrire à écrire vite ?
33:44 Réparer l'écriture : les maux des mots
47:53 Inspirations

Extra classe sur toutes vos plateformes d'écoute :
https://smartlink.ausha.co/extra-classe

Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé
Émission préparée et animée par : Hélène Audard et Régis Forgione
Réalisée avec l'appui technique de : Julien Bonhomme et Natacha Dubois
Directrice de publication : Marie-Caroline Missir
Coordination et production : Hélène Audard, Magali Devance
Réalisation et mixage : Simon Gattegno
Remerciements aux Ateliers Canopé de Toulouse et de Montigny-lès-Metz
Contactez-nous sur : contact@reseau-canope.fr
© Réseau Canopé, 2025


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Hélène

    Bonjour chers poditeurs et poditrices d'Extra Classe, bienvenue dans un nouvel épisode Parlons Pratiques qui est consacré cette fois, et c'était écrit, à l'écriture.

  • Régis

    Après un épisode sur la lecture l'année dernière, à écouter sans hésiter en complément de celui-ci, logique de nous pencher cette fois sur l'apprentissage du geste d'écriture, les difficultés et remédiations possibles au cours de la scolarité.

  • Hélène

    Alors Régis, je te propose un petit test, une question piège. Tu dois répondre sans tricher. Et vous aussi qui nous écoutez, vous pouvez essayer d'y répondre de votre côté. Combien de temps as-tu passé aujourd'hui à écrire à la main ?

  • Régis

    Alors, en temps, je ne sais pas Hélène, mais j'utilise un bullet journal, un petit carnet de gestion de tâches et de prise de notes rapide au quotidien. C'est à peu près tout ce que j'écris. En gros, ça doit faire une feuille à cinq par jour. Mais honnêtement, tout le reste, on va dire 90% de mon écriture passe par clavier-écran. Et toi ?

  • Hélène

    Alors moi, je... Je pense que moins d'une heure, ça c'est sûr. J'ai pris quelques petites notes, j'ai mis mes idéaux clairs sur le papier. C'est à peu près tout, c'est surtout pour moi en fait.

  • Régis

    En tout cas, on est très loin d'un élève en classe qui passe entre 30 et 40% de son temps à écrire dans le premier degré et sûrement plus encore dans le second degré.

  • Hélène

    On comprend à quel point c'est crucial que ce geste d'écriture soit préparé, enseigné, entraîné au fil du temps. De la maternelle jusqu'à quand en fait ? Jusqu'au cycle 3. trois jusqu'au collège, au-delà ?

  • Régis

    Pour pas mal d'élèves, ça n'est pas complètement acquis à l'arrivée au collège en tout cas. C'est donc une question qui va vous intéresser, parents et enseignants qui nous écoutez, et qui aide confrontés à des élèves, à des enfants en difficulté avec l'écriture.

  • Hélène

    Avec nos invités Florence Bara et Mireille Wenner, nous reviendrons aux fondamentaux de l'apprentissage de l'écriture. Nous essaierons de déminer quelques idées reçues et de donner des pistes pour réparer les écritures. Et oui, c'est possible.

  • Régis

    Apprendre à écrire. de la maternelle au lycée, c'est parti !

  • Hélène

    Mireille Wenner, bonjour !

  • Mireille Wenner

    Bonjour !

  • Hélène

    Vous êtes professeure des écoles, actuellement référente REP+, et vous êtes également grapho-didacticienne, mais vous préférez dire que vous réparez les écritures, qu'est-ce que ça veut dire ?

  • Mireille Wenner

    Alors j'ai fait une formation... au geste d'écriture qui s'appelait une formation de rééducatrice en écriture. Et il s'est avéré que le mot rééducatrice correspondait plus au corps médical. Donc, on a dû changer de nom et c'était tout à fait justifié. Et donc, le nouveau nom, c'était gravedidacticienne. Mais moi, je trouve ça très académique parce que quand j'interviens avec des enfants, je préfère leur dire que je suis là pour réparer les écritures. Alors, je vais... C'est un peu comme du bricolage, parce que chaque élève est différent, chaque enfant est différent, l'écriture et la tenue, tout est assez différent. Et donc, moi je viens pour donner des pistes, des trucs pour réparer l'écriture.

  • Régis

    Laurence Bara, bonjour.

  • Mireille Wenner

    Bonjour.

  • Régis

    Vous êtes professeure des universités en psychologie cognitive et développement, enseignante chercheuse à l'INSPE de Toulouse et membre du laboratoire cognition langue-langage ergonomie, CLE, pour donner l'acronyme. Vous êtes co-autrice d'un ouvrage sorti tout récemment, « Enseigner l'écriture » , dans une collection qu'on aime tout particulièrement, « Mythe et réalité » aux éditions Retz. Pour vous aussi, question express et question qui gratte. Sachant que presque tout se passe aujourd'hui sur clavier-écran, honnêtement, est-ce que ça vaut encore le coup d'apprendre à écrire à la main ?

  • Florence Bara

    Alors oui, ça vaut le coup. Après, apprendre quel style d'écriture, comment l'apprendre, ça c'est des questions peut-être qu'on abordera. Et ensuite, ce n'est pas parce qu'on ne fait plus quelque chose en tant qu'adulte. que c'est inutile de l'apprendre quand on est enfant. C'est vraiment deux choses complètement séparées. Et autre chose que je peux ajouter, effectivement, un adulte va écrire la majorité du temps avec un clavier. Donc, c'est essentiel aussi d'apprendre à écrire au clavier. Et ça, c'est une question qui est finalement peu posée. Donc oui, il faut continuer à apprendre à écrire parce que ça permet aussi de construire un réseau lecture-écriture. Ça permet de mieux reconnaître les lettres, d'apprendre à les tracer. Et en même temps, il faudrait peut-être aussi envisager d'apprendre à dactylographier.

  • Régis

    Allez, on entre dans le vif du CG de l'émission avec la première partie, le geste fondateur pour préparer l'écriture. Alors dans cette partie, on va se demander, en tout cas on va essayer de comprendre pourquoi et comment l'écriture se construit, évidemment dès la maternelle, et en quoi ce geste physique conditionne la suite. Peut-être en commençant par vous, Madame Bara, comment est-ce qu'on apprend à écrire à l'école en France ? Peut-être d'une manière plus générale, comment sont formés les

  • Florence Bara

    Alors, comment est-ce qu'on apprend à écrire ? Déjà en France, on apprend à écrire très précocement. Ce n'est pas le cas de tous les pays. On a une scolarisation précoce et un apprentissage de l'écriture très précoce. On commence à préparer les prérequis à l'écriture dès la petite section, avec toutes les habiletés de motricité fine, de coordination visiomotrice. Donc on est sur un apprentissage très progressif. On sait que l'apprentissage de l'écriture, c'est quelque chose de complexe, qui se met en place pendant de nombreuses années. Donc on est plutôt sur l'idée d'un apprentissage très précoce. Avec un apprentissage qui va partir des lettres de capitale en capitale d'imprimerie qu'on estime plus facile à produire, pour aller vers les lettres en cursive qui nécessitent des gestes beaucoup plus complexes. Et puis cet apprentissage va se poursuivre après en CP, dans les premières années de primaire, et puis va s'affiner, s'automatiser petit à petit tout au long de l'école primaire. Alors comment sont formés les enseignants pour apprendre l'écriture ? Je dirais quand même assez peu. Tout comme le temps consacré à l'écriture est assez faible en classe. Je crois qu'il y avait la recherche « Lire-écrire » coordonnée par Roland Guagou qui montrait que les activités d'écriture, c'était deux heures et demie par semaine en classe. Parmi ça, il y avait à peu près une cinquantaine de minutes de copie et un quart d'heure à peu près autour de la calligraphie. Donc c'est des activités qui prennent quand même assez peu de place en classe, même si on utilise par contre l'écriture très souvent, en tout cas le temps consacré à son enseignement. est faible et du coup je dirais peut-être en proportion le temps consacré à la formation des enseignants sur cette question est aussi assez faible.

  • Hélène

    Et là j'imagine qu'on parle en plus des premières années, à la fois la fin de la maternelle et puis les premières années CP, CE1 et que par la suite ça décroît encore, j'imagine, ce temps consacré vraiment aux gestes d'écriture.

  • Florence Bara

    Ah oui, il est quasi inexistant par la suite avec l'idée que tout est fini, on va dire, arrivé au cycle 3, que l'enfant est prêt. Avec qui on entend même parfois apprendre des notes alors qu'on est encore dans ce processus d'automatisation. On considère que l'automatisation chez l'enfant, ce n'est pas avant 9-10 ans. Un geste qui commence à être automatisé pour les enfants bons scripteurs. Après, je ne parle pas des élèves en difficulté.

  • Régis

    Mireille Wenner, vous qui avez enseigné dans plusieurs niveaux de classe, plusieurs types d'établissements, qu'est-ce que vous avez pu constater ? Quel temps y passent les enseignants, notamment en maternelle ? Est-ce que ça vous paraît suffisant de votre expérience ?

  • Mireille Wenner

    De mon expérience, depuis que j'ai fait cette formation, et quand j'enseignais en maternelle après cette formation, de très nombreuses activités dans la journée des élèves de petite section, de moyenne section, de grande section, étaient orientées vers la préparation aux gestes d'écriture. Ce qui n'était pas le cas avant que je fasse cette formation, parce que je ne savais pas comment le faire. Comme le disait Florence Barra, J'étais à l'INSPE il y a très longtemps et on n'avait aucune formation geste d'écriture et je pense que beaucoup d'enseignants après moi ont été formés mais il n'y a pas eu de formation geste d'écriture. Et donc pour rebondir un petit peu sur ce que disait Florence Barra, effectivement dès la petite section, on va développer les compétences motrices mais on va souvent mettre des crayons dans les mains déjà à ce moment-là. et donc la tenue du crayon elle va être on va dire spontanée, faite par les élèves sans même... De toute façon, ils n'ont pas encore les compétences motrices pour bien maîtriser certains gestes. Et en fait, cette première tenue, souvent, elle va très vite se fixer, en fait. Elle va très vite être installée. Et après, ce sera difficile de la modifier. C'est un peu comme toutes les habitudes qu'on peut avoir dans la vie de tous les jours. Changer une habitude, c'est compliqué. Et donc, dès la petite section, il y a des habitudes qui sont mises en place parce qu'on n'a peut-être pas développé assez les compétences motrices, les compétences d'organisation de l'espace et aussi le rythme de l'écriture avant de mettre un crayon dans les mains des élèves de petite section.

  • Hélène

    Mais Florence Bara, quand on met un crayon entre les mains des enfants, ou même des fois quand ils le prennent par eux-mêmes, je pense, ils peuvent faire plein de choses avec ce crayon, et pas nécessairement écrire, surtout, j'imagine, en début de maternelle. Donc peut-être, est-ce que vous pouvez nous expliquer un petit peu la différence qu'il y a entre commencer à travailler l'écriture et puis dessiner ou faire des activités de graphisme, qui sont différentes activités qu'on voit à la maternelle ?

  • Florence Bara

    Alors, il y a un système graphique qui est préexistant à l'écriture, celui du dessin et des premières tracées. Les premières fois que l'enfant expérimente les tracés, ce n'est pas dans l'écriture, ça va être dans le dessin et dans des gribouillés, des tracés. Je ne suis pas tout à fait d'accord dans le sens que, effectivement, très tôt, il va prendre un crayon. Et ce n'est pas un problème vraiment en soi. Par contre, je suis aussi d'accord avec vous sur le fait que la tenue du corébon, ça dépend des habiletés de motricité fine. Donc après, il y a vraiment une interaction entre les deux. On ne peut pas non plus empêcher les enfants de prendre un crayon parce qu'ils ont à l'âge de un an. Ils commencent déjà à faire leur premier tracé. Ils vont produire des choses et ils vont s'appuyer sur ce système graphique pour après. entrer aussi dans l'écriture. Donc, il va y avoir un transfert qui va se faire à un moment donné, avec aussi une différenciation qui doit se mettre en place, parce que le dessin, ce n'est pas l'écriture. On sait qu'autour de 5-6 ans, ces deux systèmes graphiques sont complètement différenciés. On sait même que chez l'adulte, c'est des structures neuronales différentes qui vont participer à la production d'un dessin ou d'une écriture. Donc, il y a une différenciation qui se met en place progressivement. L'enfant va s'appuyer sur les compétences qu'il a déjà. qu'ils développent à travers le dessin et le graphisme pour les transférer à l'écriture. Et ça, ça va amener à la fois des progrès, mais aussi des difficultés. Par exemple, on sait qu'il y a des règles de production graphique qui font que quand je commence un dessin, quand je commence à tracer un cercle en haut, j'ai plus de sens d'aller dans un certain sens de l'écriture, alors que quand je commence le tracé en bas, je vais aller dans l'autre sens, naturellement. Et ça, ça peut produire des lettres en miroir, par exemple, chez le jeune enfant. ces règles du dessin qui sont transférées à l'écriture. Donc il va falloir qu'il apprenne ce qui est commun à ces deux systèmes graphiques et ce qui est différent, et il va se spécialiser petit à petit là-dedans.

  • Régis

    Mireille Wenner, quelles erreurs d'habitude, je mets des guillemets, les erreurs habituelles que vous voyez qui peuvent se transmettre dès la maternelle et peut-être les plus importantes qui seraient des freins pour la suite de l'apprentissage de l'écriture ?

  • Mireille Wenner

    Alors justement, par rapport à... Moi, je distingue la tenue, le maniement, mais aussi la posture de l'élève. Et c'est vrai que les premières traces graphiques faites par l'élève, ça va être du dessin, du coloriage. Donc là, déjà, on a la façon de manier le crayon n'est pas la même. Le coloriage, c'est un balayage. Le dessin, ça se fait à main levée, pour qu'on puisse faire un dessin sur toute la feuille. Alors que l'écriture, c'est quelque chose qui se fait avec la main posée. donc là déjà on peut On peut voir chez des élèves, on voit souvent chez des élèves au primaire ou au collège, des élèves qui, en fait, pour écrire, font un balayage du poignet. Et ça, c'est peut-être hérité d'une petite confusion au départ, le fait que les premières traces, c'était du balayage. Après, il y a aussi une tenue, quand ils sont tout petits, s'ils n'ont pas encore... Il y a un réflexe de préhension qui est quand on serre la main. Et en fait, on voit beaucoup de tenues de crayon à l'école primaire où c'est un héritage un peu de cette tenue-là. Moi, je dis toujours, on voit le crayon est serré dans la main et le pouce passe par-dessus les autres doigts et bloque complètement les doigts. Alors que la façon la plus efficace d'écrire, c'est quand les doigts se plient et se déplient et le bras se déplace. Et ce n'est pas le poignet qui doit faire le geste pour tracer les lettres, c'est vraiment les doigts qui doivent bouger. Donc il y a ça. Et on peut avoir, par rapport à tout ça, ça va impacter l'écriture. Ça peut impacter l'écriture de ne pas avoir tous les appuis par rapport à sa main, son poignet, son avant-bras. Ça va se retrouver directement, on peut voir sur les feuilles, on peut voir des foulages. Donc des traces comme les espions, on pourrait retrouver ce qu'ils ont écrit en prenant la feuille suivante. Je pense qu'au départ, comme je disais, il faut se laisser le temps de développer ses habiletés motrices et aussi d'organisation de l'espace en faisant beaucoup de graphismes et de dessins. Et après, vraiment bien montrer la différence à l'enfant que l'écriture, c'est on pose la main, on bouge les doigts, ce qui n'est pas la même chose.

  • Hélène

    Je vous propose, pour continuer sur toutes ces activités préparatoires à l'écriture en maternelle, d'écouter un petit extrait d'un épisode d'Energie scolaire qui s'appelait « Un coin argile en maternelle » . Et dans cet extrait, Sophie Levincent, qui est enseignante en maternelle, nous explique qu'elle favorise... La manipulation quotidienne de l'argile avec ses élèves, elle le fait pour toutes sortes de raisons, mais en particulier elle fait un lien entre cette manipulation de l'argile et la préparation du geste d'écriture et elle dit même que ses collègues de CP l'encouragent à poursuivre parce qu'ils ont l'impression que... Les élèves arrivent en CP avec des habiletés particulières, on l'écoute.

  • Mireille Wenner

    Il y a un constat qui se fait de plus en plus à l'heure actuelle en école élémentaire, c'est qu'on a des enfants qui sont crispés sur la tenue du crayon, des enfants qui tirent la langue, on a tous tiré la langue quand on écrivait, ce sont des enfants qui ont des tensions. Donc l'argile, elle, elle permet de renforcer le tonus musculaire, d'avoir une meilleure mobilité des articulations. Et elle permet aussi déjà d'avoir une vision en 3D de ce que l'on fait. C'est à ce moment-là que la main se forme et c'est à ce moment-là qu'il faut justement travailler la motricité fine et surtout la travailler en s'amusant avec de la matière qui les amène à découvrir le monde par ailleurs.

  • Hélène

    Florence Bara, est-ce que vous avez écrit dans cette collection de mythes et réalités ? C'est le moment, est-ce que... Il y a un réel effet de cette musculation, je ne sais pas comment il faudrait appeler ça, des doigts.

  • Florence Bara

    Alors, je pense qu'en fait, c'est un peu la même chose que la tenue de crayon ou tout ça. Il faut bien comprendre les mécanismes. Il y a des prérequis à l'écriture, c'est vrai. Il y a des prérequis d'habileté motrice, de motricité fine, de coordination visuomotrice. Si ces habiletés-là ne sont pas bien installées, effectivement, c'est difficile d'écrire. Par contre, ce n'est pas parce que ces habiletés sont bien installées qu'on va bien écrire. L'écriture, c'est un processus beaucoup plus complexe que ça. Ça rend dans un système alphabétique. Ce n'est pas uniquement tracer des formes, on est bien d'accord, c'est faire correspondre des lettres et des sons avec une trace écrite. Donc on est dans un système beaucoup plus global, un système alphabétique de correspondance lettres-sons dans lequel on a une trace à produire. Donc ça, c'est la première chose. Donc je dirais qu'il faut faire attention de ne pas confondre des prérequis et les répercussions que ça a sur l'écriture. Sans ces prérequis, on a du mal à écrire, on a du mal à tenir son crayon, on a mal aux muscles, effectivement. Mais ce n'est pas parce qu'on les a développés qu'on écrit bien. Donc ça, c'est la première chose. Et deuxième chose, il faut faire attention à ne pas se focaliser sur des éléments externes à l'écriture. Donc certes, les tenues de crayon, on sait que quand les enfants ont des tenues complètement immatures, où on a tous les bras, tous les doigts serrés sur le crayon, qu'ils ne peuvent pas bouger les doigts, ce n'est pas efficace. Par contre, ce qu'ont montré les recherches, c'est qu'il n'y a pas non plus une obligation d'une prise normée. On voit beaucoup l'obligation de la prise en tripode, là, entre les trois doigts. le pouce et l'index sont en opposition, et puis le stylo appuyé sur le majeur, ce n'est pas la seule position. À partir du moment où le crayon peut bouger, qu'il a un angle de mouvement, à partir du moment où le poignet peut se déplacer sur la feuille et que les doigts sont mobiles, à ce moment-là, la prise, il n'y a plus d'effet sur la lisibilité et la qualité. D'ailleurs, les adultes ont des prises de crayon très différentes les uns des autres. Donc, bien sûr que ça a une importance. Il ne faut pas être trop crispé, il ne faut pas mettre trop de pression, sinon on ne peut pas écrire de manière fluide. Mais il ne faut pas non plus donner trop d'importance à ça, parce que dans le sens qu'il ne faut pas que ça devienne trop normé, il ne faut pas imposer une tenue. Effectivement, si on sent que l'élève a des difficultés, en général ce n'est pas que la tenue d'ailleurs, c'est tout un ensemble, c'est parce qu'aussi on a du mal à programmer son geste, que par répercussion on se crispe sur le stylo et qu'on a du mal à le tenir. Donc il ne faudrait pas que des éléments, un peu des artefacts de l'écriture, deviennent le cœur de l'enseignement et de l'apprentissage. Et sur la posture, c'est pareil. Il y a des recherches qui montrent qu'effectivement, il faut que le poignet et le coude puissent reposer sur la table pour bien écrire. Ça, c'est clair. Par contre, il n'y a aucune étude qui a réussi à montrer, par exemple, que le buste, s'il était plus ou moins rapproché, si les pieds étaient bien posés par terre, si les fesses étaient tordues, ça, ça ne fait pas de répercussion directe sur l'écriture. Donc, je le dis juste parce qu'il y a quand même des subtilités en recherche. Il y a des choses qui sont montrées, d'autres pas. Et parfois, comme le plus visible, c'est la posture et la tenue, on peut avoir des enseignants qui du coup agissent sur ce qui est le plus visible, pareil pour la forme, sans aller vers toute la dynamique et le processus de l'écriture.

  • Régis

    Vous dites enseignant, parent aussi, effectivement, qui s'attache à ce genre de choses. Mireille Wenner, vous qui intervenez parfois individuellement auprès d'un élève, pour les parents qui nous écouteraient, qu'est-ce qu'on pourrait leur proposer pour leur enfant à la maison ? Justement, on comprend qu'il ne faut pas être aussi attentif que ça à la posture, à la manière dont il tient son crayon. Qu'est-ce qu'on pourrait leur conseiller ?

  • Mireille Wenner

    Alors, est-ce que je pourrais juste revenir sur ce que Florence a dit ? C'est possible ?

  • Régis

    Bien sûr.

  • Mireille Wenner

    Donc moi, j 'ai effectivement parlé de la tenue, du maniement, de la posture, tout ça. En fait, il y a quand même beaucoup d'élèves qui, même avec une mauvaise tenue, même avec une posture, qui finissent par écrire correctement. Et moi, je n'interviens que souvent à la demande des parents ou en classe si l'écriture est illisible ou bien s'il y a des douleurs. Et clairement, quand c'est illisible et qu'il y a des douleurs, mais c'est justement sur la tenue, le maniement que... qu'on arrive à faire progresser l'élève vraiment de façon incroyable, on va dire, parce qu'en ne changeant vraiment pas grand-chose, une habitude, en changeant une habitude, voilà. Si le résultat final, si l'écriture est lisible, si elle est fluide, si elle est rapide, eh bien, on ne doit pas intervenir, en fait, parce que, justement, en donnant certaines injonctions, comme par exemple, mets ta feuille droite, En fait, on va le mettre en difficulté parce que si vous posez vos deux mains sur la table, naturellement, sans réfléchir, vos deux mains ne vont pas être perpendiculaires à la table. Elles seront légèrement inclinées. Et en fait, si on aligne tout, le bras qui est posé sur la table avec la feuille, le crayon, justement une feuille qui va être redressée perpendiculaire à la table. on va mettre l'enfant en difficulté par rapport à ça. Donc le conseil, c'est si le résultat est tout à fait correct et tout à fait efficace, on ne fait rien. Et si jamais l'élève est en difficulté, si l'enfant est en difficulté par rapport à l'écriture, on essaye justement de voir où est-ce que ça ne va pas. Est-ce qu'il manque un appui sous le bras ? Est-ce qu'il manque un appui ? Alors on peut le voir tout simplement. Quand il manque un appui, je vous ai parlé des foulages, on peut voir s'ils appuient trop fort sur le crayon, ça c'est signe forcément de tension et l'enfant peut se plaindre d'avoir mal au bras. On peut aussi voir des élèves qui, comme il manque un appui quelque part, le bras, l'avant-bras, peu importe, on peut voir des fois l'index qui devient... Alors vous pouvez essayer, si maintenant vous appuyez très fort sur la table avec votre index, vous allez voir qu'il va devenir tout blanc au bout et rouge. un peu moins au bout du doigt. Et si vous voyez votre enfant avec un doigt de cette couleur-là, c'est qu'il y a quelque chose à faire parce qu'il y a trop de pression sur ce doigt. Voilà. Après, voilà, c'est les conseils que je peux donner rapidement.

  • Hélène

    Alors, c'est très visuel et je peux vous dire que tout le monde a fait les gestes, a testé son doigt et effectivement, c'est très parlant. Je vous propose qu'on avance un petit peu. Donc, on était un peu sur ces... passage obligé de la maternelle, de l'apprentissage, enfin en tout cas de la préparation à l'apprentissage. Et on va passer dans un deuxième temps, donc vraiment sur l'enseignement de l'écriture, de bien écrire à écrire vite. Alors là, l'idée, c'est de voir un petit peu comment cet enseignement se pratique et puis aussi qu'elles sont un peu, on parlait d'injonction, c'est vrai qu'il y a beaucoup de choses auxquelles les enseignants vont être attentifs, certaines qui sont efficaces, d'autres peut-être plus contre-productives. Florence Barra, déjà, est-ce que copier un texte, écrire longuement, de façon récurrente, c'est utile ? ou pas, pour apprendre à écrire ?

  • Florence Bara

    Alors, pour apprendre à écrire, disons, dans les premières étapes, pas forcément. Copier, c'est plus de l'entraînement, je dirais. Il y a pas mal de recherches autour de ces questions-là. Comment est-ce qu'on fait ? Déjà, on a besoin de mémoriser la forme de la lettre. Et du coup, pour bien la mémoriser, être capable de la reproduire, en fait, les plus efficaces, ça va être des exercices qu'on appelle plutôt de copie différée, où on va montrer le modèle. On va travailler aussi sur le modèle de la lettre. Évidemment, ce n'est pas la seule chose qu'on va faire. Il faut déjà qu'il y ait une bonne représentation visuelle de la lettre en mémoire. Donc, on peut montrer le modèle de la lettre, demander à l'enfant de l'analyser, lui donner des indices visuels, mettre des flèches, des couleurs aussi sur le modèle, décrire ce modèle aussi verbalement, le tracer soi-même devant l'enfant. En tout cas, faire tout un tas d'activités qui permettent à l'enfant de bien mémoriser la forme visuelle. Puis après, on lui enlève et on lui demande de la recopier. Une fois qu'il l'a copiée, au début, évidemment, il va avoir du mal à la copier, peut-être pas en entier tout ça, mais on lui remonte la forme. On lui remonte comment on peut la faire, on l'enlève et on lui demande à nouveau de la recopier. Donc, sans qu'il ait le modèle, on sait que le fait d'avoir le modèle visuel tout le temps, ça fait qu'on va être dans une tâche vraiment d'essayer de copier des fois, trait par trait, cette lettre. Et ça ne participe pas forcément à la représentation globale de la lettre. Donc, ce type d'activité, en tout cas, c'est plus efficace dans les recherches pour apprendre à écrire les lettres. plutôt que des pures activités de copie seule, où je vais m'entraîner à copier la lettre. Donc il faut diversifier aussi ces apports-là et ces pratiques. Et ça, c'est des choses qui vont être plutôt efficaces. Travailler d'abord sur construire une bonne représentation visuelle de la lettre, pour après la reproduire, pour avoir associé aussi la représentation visuelle de la lettre avec la représentation motrice. On peut aussi entraîner le geste de manière plus simple, en faisant tracer. avec des lettres en creux par exemple, avec des rails qui vont permettre aussi de s'entraîner à un geste sans avoir à gérer en même temps. J'essaye de découvrir une forme et de la retracer en même temps. Donc ça c'est des exercices complémentaires, ça veut pas dire qu'on fait pas de copie. Mais ce qu'on voit le plus souvent comme pratique en classe, c'est des exercices vraiment de copie de modèle. Il y a plein d'autres choses à proposer qui vont faciliter l'apprentissage de l'écriture.

  • Régis

    Mireille, vous voulez rebondir ?

  • Mireille Wenner

    Oui justement, donc Une fois que l'élève maîtrise le modèle, moi ce que je conseille aussi, c'est très rapidement de l'associer à d'autres lettres. Parce que la combinaison des lettres fait que chaque lettre doit s'adapter à la lettre qui vient avant et la lettre avant doit s'adapter à la lettre d'après. Alors c'est plus parlant par exemple pour les lettres qui terminent en O, comme le V, le O, le B. Et parce qu'on voit souvent des élèves qui arrivent en cycle 3 et qui continuent après un B par exemple à redescendre sur la ligne pour tracer un I parce que justement ce modèle il a été fixé dans leur mémoire et donc très rapidement, surtout dès le CP, on refait le modèle mais on l'associe très rapidement à d'autres lettres après.

  • Régis

    Florence Barra, ça ouvre presque la question du dogme de l'écriture cursive en France.

  • Florence Bara

    J'allais y venir. Effectivement, ces nécessités d'accroche, c'est spécifique à la cursive, qui est l'écriture qu'on apprend, donc ce n'est pas unanime dans les différents pays. Donc nous, on a mené différentes recherches autour de ces questions-là et nos résultats nous amènent plutôt à conclure que l'écriture script est plus facile et plus rapide. que l'écriture cursive, contrairement à ce qu'on peut imaginer souvent, cette fluidité, rapidité de l'écriture cursive qui est vraiment un mythe. Donc en script, effectivement, on a moins ces problèmes-là. Alors, ça pose aussi des questions sur dans quel niveau on parlait de la difficulté d'apprendre à écrire. C'est vrai que c'est extrêmement complexe l'écriture. Et comme le dit Mireille, c'est vrai que l'attachement des lettres crée une complexité supplémentaire très forte, avec des variations de lettres. Ça crée aussi un intérêt parce que ça permet aussi à l'enfant de comprendre qu'on peut avoir des variations de formes sans que ça change la lettre. Et ça, on sait que c'est un apprentissage très important aussi pour rentrer dans le système alphabétique. Ce n'est pas une représentation purement standard. Les lettres, elles peuvent varier, elles peuvent se modifier. Pourtant, c'est toujours les mêmes mots qu'on va lire et ça représente toujours les mêmes sons. Donc, ça aussi a un intérêt. Donc voilà, il ne faut pas l'oublier. Nos recherches montrent aussi que cette variabilité aussi avec les formes cursives ont un intérêt. Mais en même temps, ça... Ça pose des grosses difficultés à l'enfant, cette écriture cursive, très normée, attachée, à laquelle le système français est très attaché. Mais ça ne fait pas l'unanimité dans tous les pays. Et apprendre en script, ce n'est pas inintéressant non plus. Ça permet d'apprendre plus vite, d'aller plus vite et d'avoir moins de difficultés aussi pour des élèves qui auraient des difficultés motrices, tout simplement.

  • Hélène

    Ça veut dire que ça serait intéressant, par exemple, pour des élèves dont on perçoit précocement qu'il y a des difficultés de rapidité, des ans. On pourrait imaginer qu'ils travaillent essentiellement avec une écriture script et qu'ils sautent cette étape de la cursive. Ou est-ce que ce n'est vraiment pas envisageable dans le système éducatif français tel qu'il est actuellement ?

  • Florence Bara

    Pour les élèves à besoin éducatif particulier, c'est envisageable, c'est parfois préconisé. Moi, j'aurais plutôt l'idée de le préconiser avant le clavier. finalement de déjà tester est-ce que les enfants sont capables quand même de maîtriser un système écrit manuel avant de passer directement au clavier parce que ça a quand même un intérêt comme je vous disais puisque les lettres qu'on écrit c'est aussi celles qu'on reconnaît le mieux, donc ça a vraiment un intérêt en soi. Ça peut être proposé parfois dans des plans d'accompagnement pour des élèves qui ont des difficultés reconnues. C'est pas toujours accepté, c'est pas toujours valorisé ce changement de police d'écriture. Pour des élèves qui ont des troubles du développement intellectuel, qui peuvent avoir aussi des difficultés motrices associées, c'est des choses qu'on voit assez régulièrement en termes d'adaptation du parcours d'apprentissage. Mais à mon avis, ça gagnerait à être proposé aussi. On a plutôt tendance à passer directement au clavier quand on voit que les difficultés sont trop fortes.

  • Régis

    Mireille Wenner, moi j'ai très envie de vous demander les conseils que vous donneriez à des enseignants, professeurs des écoles, mais peut-être plus au collège, qui voudraient mettre en place des rituels. Soyons fous des rituels, je dirais, courts et efficaces.

  • Hélène

    Alors, il est possible de mettre des rituels courts et efficaces en place, mais après, peut-être plus avec des enseignants de cycle 2, donc à partir du CP, CE1, peut-être CE2, mais après, ils sont tellement pris dans tout ce qu'ils ont à faire qu'ils ont du mal à se dire, oui, non, mais je ne peux pas encore coincer cinq minutes ou dix minutes par jour juste pour le geste d'écriture, même si pour certains élèves, ça pourrait être efficace. et donc j'ai pu tester l'année dernière dans une classe de CP où je suis allée une fois par semaine justement mettre en place des petits rituels vers une tenue plus efficace, un maniement plus efficace, un déplacement du bras, voilà. Et le résultat au bout d'une année, donc moi je ne peux venir qu'une fois par semaine, mais l'enseignante reproduisait le rituel toute la semaine pendant cinq minutes à peu près par jour. et donc... Elle a été, à la fin de l'année, elle a été vraiment étonnée de voir que tous les élèves tenaient à peu près leur crayon correctement, le maniaient correctement. Et donc, c'est que ces petits rituels ont porté leurs fruits avec ces élèves-là. Après, c'était une classe en REP+, avec uniquement dix élèves. Donc, c'était peut-être plus facile à mettre en place comme ça.

  • Régis

    Il y a une autre chose aussi qu'on met souvent en avant, c'est le soin, c'est la belle écriture. Alors, on n'est plus à la plume, mais quand même, il y a cette idée qu'il faut écrire bien. Et donc, est-ce qu'il vaut mieux écrire doucement et bien ou est-ce qu'il vaut mieux écrire vite et moins bien ? Florence Barra, je ne sais pas si vous avez une réponse à ça. J'ai l'impression qu'il faut viser l'efficacité à un moment donné.

  • Mireille Wenner

    Si, bien sûr. Il faut viser l'efficacité, c'est sûr. il faut viser un compromis entre les deux. Parce que l'écriture, elle est destinée quand même à être... relu à un moment donné. Donc forcément, il y a un minimum de lisibilité à avoir. Après, si la lisibilité se fait au détriment de la vitesse, ce n'est pas du tout efficient non plus, puisque l'intérêt de l'écriture, c'est de pouvoir avoir une écriture automatisée pour faire autre chose, pour pouvoir produire des textes, pour écrire des mots, pour pouvoir prendre des notes. Pour ça, il faut que le geste moteur soit automatisé pour qu'on puisse avoir des ressources cognitives libres pour faire autre chose, pour faire des traitements, on va dire, de plus haut niveau. Donc le but quand même, c'est d'automatiser l'écriture. Ce n'est pas d'avoir une belle écriture, c'est d'avoir une écriture lisible et automatisée. Automatisée, ça veut dire rapide, fluide et qui ne me demande pas beaucoup de réflexion et pas beaucoup de coups cognitifs. Donc c'est quand même ça le but. Donc il ne faut pas que la qualité se fasse au détriment de la vitesse et de la fluidité. Donc je pense que c'est surtout ça qu'il faut dire. Et parfois, on insiste. énormément sur l'aspect calligraphique, sur la beauté, sur le respect de la ligne, des interlignes qui sont très sévères chez nous, très précises, ce n'est pas le cas. Il y a des pays où on écrit juste sur une seule ligne. Donc, si tout ça se fait au détriment de l'automatisation, là, c'est un vrai problème, par contre.

  • Régis

    Mireille ?

  • Hélène

    Oui, donc, par rapport à ça, je voulais dire, justement, dans ces rituels que l'on a mis en place avec cette collègue, Le but, c'est justement que l'écriture devienne un mouvement et que l'élève, par rapport à ce que disait Florence, le respect de la ligne, ça devient juste un petit contrôle visuel parce que le bras, lui, se déplace déjà dans l'alignement de cette ligne. Il se déplace déjà justement le long de cette ligne, donc il n'y a plus besoin de faire attention à ça. Tous les rituels sont assez basés sur le mouvement et pour que justement ce mouvement s'automatise. Et souvent, c'est pour ça que j'ai choisi d'essayer ces rituels en CP. C'est parce que souvent, en CP, quand on écoute les parents, ils disent « je ne comprends pas au CP, il avait une belle écriture, il écrivait bien. » Et arrivé au CE1, où justement, il y a un peu plus à écrire, des leçons à écrire et tout ça, et là, ça part en vrille. Et on se dit « pourtant, l'année dernière, il écrivait tellement bien. » Oui, mais il écrivait très doucement. et donc si justement Dès la maternelle, puis ensuite au CP, on met en place des rituels où l'écriture, justement, va donner du rythme à l'écriture, du mouvement. Ça va simplifier le geste d'écriture et il va pouvoir passer, il va pouvoir s'automatiser et libérer. On va pouvoir libérer de la place pour justement se concentrer sur ce qu'on écrit.

  • Florence Bara

    Et si ça n'a pas marché, rassurez-vous, il y a le troisième temps de l'émission. On va voir qu'il est possible de réparer l'écriture. Les mots MAUX, des mots MOTS. Alors effectivement, il y a des remédiations possibles, mais je vais vous laisser la parole Mireille, sur les difficultés, le type de difficultés que vous rencontrez chez les enfants.

  • Hélène

    Alors, comme je disais tout à l'heure, ça va être une tenue qui n'est pas efficace. C'est-à-dire que, par exemple, justement, quand on tient son crayon, et ça, on le voit énormément dans les classes, même au collège, on voit le pouce qui passe devant tous les doigts et qui va tout bloquer. Donc, moi, je dis toujours, quand vous jouez au Lego, Vous n'allez pas bloquer vos pouces et bloquer vos doigts et vous n'allez pas vous servir de vos poignets pour bouger vos Legos. Donc voilà, c'est déjà une première chose. Après, il y a aussi ce pouce qui passe devant, il empêche le maniement du crayon, il empêche le crayon de se déplacer normalement. Et forcément, écrire avec son poignet, on va être moins précis. Donc ça, c'est déjà une chose qu'on peut, avec des petites manipulations, ce n'est pas du tout de l'écriture, parce que souvent, On me dit, je fais déjà des difficultés pour les enfants, ils sont un peu peur parce qu'ils se disent, elle va me faire écrire. Non, pas du tout, parce qu'on va vraiment travailler sur la tenue, le maniement et la posture.

  • Régis

    Là, on voit qu'effectivement, il y a des difficultés qui sont de l'ordre du maniement, etc. Florence Barra, quelle différence est-ce qu'on fait entre un élève qui a des difficultés à écrire vite et lisiblement, pour peut-être effectivement ce type de raison ou pour d'autres ? Et un élève qu'on va dire dysgraphique, est-ce qu'on va intervenir de la même façon ? Pour un enseignant, comment est-ce qu'il peut déterminer ces différentes situations ?

  • Mireille Wenner

    Après, disons qu'il va y avoir un diagnostic si l'élève a une dysgraphie. Ça dépend à quel niveau, à quel moment de l'enseignement on se situe. Quand on est au début, de toute façon, on a toujours aussi ces questions d'apprentissage. qui peut être être plus ou moins long, donc il y a toute une période où on ne sait pas si on est face à un vrai trouble ou si juste c'est une lenteur d'apprentissage. Donc au début, on va mettre les moyens pour travailler sur l'écriture avec tout ce qu'on connaît, travailler sur les représentations de la lettre, travailler sur le geste, sur la production du geste. Et puis si vraiment on voit qu'il y a des difficultés extrêmement fortes, à un moment donné, il arrivera sûrement un diagnostic. Et quand on rentre dans le trouble, il y a certes la rééducation qui doit se faire. mais il y a aussi la compensation et le contournement qui doivent se mettre en place à l'école. Puisque le souci, c'est comme pour un dyslexique qui aurait des difficultés à lire, lecture et écriture, c'est vraiment les deux supports de l'apprentissage tout au long de la scolarité. Donc, à partir du moment où l'élève est en très grosse difficulté sur un de ses mécanismes, donc là, sur l'écriture en l'occurrence, ça veut dire du coup qu'il va être en difficulté dès qu'il doit copier, dès qu'il doit prendre des notes, dès qu'il doit écrire un texte ou même dès qu'il doit copier un énoncé. Et du coup, toutes ces ressources cognitives vont être allouées à cette tâche d'écriture, au détriment de ce qu'il doit en faire. C'est-à-dire que tout le temps qu'il va passer à copier son énoncé de maths, c'est du temps en moins pour comprendre cet énoncé, pour comprendre ce qu'il doit faire. Donc, il risque d'échouer dans la majorité des tâches scolaires. Et là, évidemment, ça se fait en parallèle de la rééducation, mais le rôle de l'enseignant, ça va être de trouver des moyens pour qu'il ait moins à copier. Parce qu'un élève qui est en difficulté, copier en même temps qu'il fait d'autres tâches, Ça ne va pas l'aider à automatiser, ça va juste lui faire une charge supplémentaire qui va détériorer ses autres apprentissages. Donc évidemment, on va plus lui donner de photocopies, on va plus parler à l'oral, lui expliquer la consigne à l'oral, la répéter, plutôt que lui demander de copier un certain nombre de choses. Donc voilà, c'est ces deux idées qui doivent coexister, la rééducation, mais qui est plutôt faite par des professionnels, je dirais à l'extérieur de l'école à un moment donné, et puis le contournement en classe pour que l'élève puisse continuer à apprendre. malgré les difficultés qu'ils rencontrent dans l'écriture.

  • Florence Bara

    Je vous propose qu'on écoute un extrait d'un autre épisode d'une autre famille de podcasts d'extra-classe qui est entre profs. C'est l'épisode numéro 5 où on entend une enseignante, Aurélie Hollard, qui explique ce qu'elle propose à des élèves qui ont des difficultés d'écriture et qui ne peuvent pas se relire parfois. Et tout est dit dans le titre de l'épisode qui est « Dois-je donner des photocopies ou faire écrire mes élèves ? »

  • Speaker #4

    On a des élèves, même si on les fait écrire, Ils ne vont pas être en mesure d'avoir une graphie correcte ou d'aller au même rythme que les autres. Donc là, c'est vraiment en circulant dans notre classe, en fait, et en repérant les élèves qu'on va pouvoir voir si effectivement ils arrivent bien à écrire, s'ils arrivent à se relire, et auquel cas, si ce n'est pas possible et qu'on a discuté avec eux, on peut leur proposer la trace écrite. Mais là, ça va être quand même davantage du cas par cas.

  • Florence Bara

    Florence Barr, une réaction à cette efficacité de vouloir faire écrire à tout prix, alors qu'une photocopie, ça peut... pour solutionner le problème ?

  • Mireille Wenner

    Il y a toujours l'idée qu'on apprend en s'entraînant. Pas toujours, comme je vous disais. Si ça devient une surcharge, si c'est une surcharge cognitive de gérer à la fois la lecture et l'écriture, par exemple, parce qu'on va copier, il faut lire en même temps et il faut comprendre surtout. À ce moment-là, on ne s'entraîne plus. On est juste en souffrance à avoir trop de choses à copier. On va avoir des élèves qui s'épuisent parce que c'est trop difficile pour eux de copier. Et du coup, ils ne s'entraînent pas du tout. Ils vont plutôt arriver à un rejet de l'écriture, c'est plutôt ce qui va se passer si on a un élève qui est en difficulté avec le geste moteur et qu'il a toute la journée des tâches d'écriture, des tâches d'écriture. il ne va pas s'entraîner, il va se lasser et ça va se faire au détriment des autres apprentissages. Donc quand on est dans l'entraînement, on est vraiment dans l'entraînement. C'est-à-dire que ça ne me met pas en retard si je n'ai pas réussi à faire cette tâche de copie, ça ne me met pas en retard sur les apprentissages scolaires que je dois faire. L'entraînement, ce n'est pas censé mettre en retard. Voilà, c'est ça que je voulais dire.

  • Hélène

    Ça fait écho avec la notion de cœur de cible. Donc, qu'est-ce qu'on vise exactement ? Si on est en histoire-géographie et que le but, c'est d'acquérir des connaissances en histoire ou en géographie, et que l'élève n'arrive pas à relire ce qu'il écrit, ça va être contre-productif pour lui. En plus, ça va le dégoûter un petit peu de l'écriture aussi, parce que si c'est une difficulté et qu'il n'arrive pas à se relire et qu'on le fait écrire tout le temps, après, il y a aussi, moi je vois aussi beaucoup ça en collège, de... Il faut que les élèves écrivent parce que sinon, qu'est-ce qu'ils font pendant ce temps-là ? Donc, il y a des habitudes à mettre par rapport à ça. Peut-être dire à l'élève, je te donne la photocopie, mais tu vas te relire. Et puis, je te poserai une ou deux questions. Tu vas lire le cours pendant que les autres l'écrivent. Il faut essayer de le motiver à s'occuper pendant que les autres écrivent parce que le temps d'écriture est assez long en classe, surtout au collège.

  • Florence Bara

    Oui, Mireille, vous qui avez été justement aussi enseignante en Ulysse Collège, Un élève qui arriverait en collège avec une écriture cassée, est-ce que c'est rattrapable en collège ?

  • Hélène

    C'est rattrapable à tout moment, mais comme je disais, souvent c'est une habitude qu'on a prise, une façon d'écrire, une façon de tracer les lettres, tout ça c'est des habitudes qui sont très bien installées et il faut avoir la volonté de changer. Donc c'est un petit peu compliqué. Alors quand un élève n'arrive pas à se relire, on arrive souvent à le convaincre, on dit bon, clairement il faut qu'on fasse quelque chose. Mais par exemple, on a aussi une des réparations d'écriture qui est la plus compliquée, c'est une élève ou un élève qui écrirait très bien, mais très lentement. Parce que pour lui, son geste, son écriture, elle est très lisible, elle est surtout très belle, et c'est compliqué de lui dire il faut que tu remettes en question ces habitudes d'écriture que tu as bien installées.

  • Régis

    Florence Barra, vous nous disiez que l'automatisation du geste d'écriture, elle s'acquiert finalement un peu avant l'arrivée au collège, c'est ça à peu près, dans ces âges-là ?

  • Mireille Wenner

    Oui, c'est ça.

  • Régis

    Ça veut dire quand même qu'on est peut-être très exigeant, ce qu'on a l'impression d'être une écriture peut-être pas maîtrisée, un problème, etc. C'est peut-être simplement qu'il faut encore un peu de temps.

  • Mireille Wenner

    Oui, alors c'est sûr qu'on a souvent un niveau d'exigence quand même assez élevé pour un apprentissage qui est très long. On a souvent même cette idée qu'arriver au cycle 3, c'est bon. Ils doivent pouvoir copier de manière assez habile. On a fini la phase, on va dire, d'apprentissage. On est encore quand même dans une automatisation qui se met en place petit à petit. Et ça veut dire qu'autour de 10 ans, c'est la moyenne des enfants qui arrivent à cette automatisation. Mais il y en a plein qui n'y arrivent pas, bien sûr. Donc, on a un peu tendance des fois à se... caler sur ceux qui arrivent le mieux aussi, qui maîtrisent, il y a des différences inter-individuelles très fortes. Donc, on a une exigence de toute façon très forte par rapport à l'écriture. Et surtout, le souci, je dirais, c'est qu'on part assez vite du principe que ce n'est plus une tâche coûteuse. Donc, on va souvent avoir l'impression que copier quelques lignes, ce n'est pas coûteux. Ça l'est encore pendant longtemps. Pour la majorité des enfants, ça l'est quand même tout le long de primaire, et même au collège, il y a encore énormément d'enfants pour lesquels c'est une tâche coûteuse. Donc, c'est ça aussi, c'est prendre en compte le fait que ça reste une tâche coûteuse et que même ceux qui arrivent à le faire, c'est quand même coûteux pour eux. C'est-à-dire que même eux, ça leur coûte et c'est au détriment aussi d'autres aspects. Alors évidemment, chez les bons élèves, ça ne se voit pas parce qu'ils ont tellement de ressources que même quand c'est coûteux, ils arrivent quand même à comprendre tout ça. Mais il faut bien garder en tête que l'écriture reste toujours une tâche coûteuse, d'ailleurs même pour un adulte parfois. juste pour la petite anecdote, il y a quand même des recherches qui montrent que... Chez les adultes qui prennent des notes, les étudiants, l'écriture est très coûteuse, plus que le clavier. Alors avec des effets qui peuvent être positifs, parce qu'il y a une recherche qui avait comparé les prises de notes chez des étudiants à la fac entre ceux qui prenaient au clavier et ceux qui prenaient en écriture manuscrite. Et en fait, les étudiants qui prenaient en écriture manuscrite réussissaient mieux. Alors ce n'est pas un effet magique de l'écriture manuscrite, mais c'est comme c'est plus coûteux. Ils écrivaient moins et du coup, ils synthétisaient plus le cours. Donc en fait, ils faisaient un premier travail. beaucoup plus fort de réflexion autour du cours pour finalement prendre moins de notes parce que c'est coûteux. Et ceux qui étaient au clavier, ils notaient tout parce qu'ils vont beaucoup plus vite avec la frappe au clavier. Donc voilà, pour retenir deux choses, ça reste coûteux. même pour un adulte, mais parfois le fait que ça soit coûteux, ça peut avoir des bénéfices, puisque du coup, on fait un travail avant pour écrire moins.

  • Florence Bara

    Et sur le lien Florence Barra, entre lecture, écriture et orthographe, est-ce que les difficultés sont liées ? Il y a un lien de l'un vers l'autre et dans quel sens peut-être ?

  • Mireille Wenner

    Alors, il y a un lien bidirectionnel. On va dire qu'on sait que plus les lettres à produire sont complexes à un niveau moteur et plus j'ai de chances de faire des fautes d'orthographe. et vice-versa, plus les mots sont faciles à produire et plus je vais écrire vite. Donc il y a vraiment une interaction entre les deux, c'est complètement bidirectionnel. Ça reste le même système, c'est un système alphabétique lecture-écriture. Au fur et à mesure qu'on apprend à écrire, on construit des réseaux neuronaux qui sont spécifiques à la reconnaissance des mots et à leur écriture. Donc on est dans un système langagier de correspondance entre des lettres et des sons, des des formes visuelles qu'on va voir et des formes qu'on va tracer avec un geste moteur. Mais ça reste le même système, donc ce n'est pas surprenant qu'il y ait des interactions très fortes entre ces différents systèmes.

  • Régis

    Alors peut-être pour terminer, Mireille, j'avais envie d'une petite... C'est pareil, j'ai une question un petit peu qui gratte, mais est-ce que c'est grave de ne pas bien écrire, surtout pour des élèves, qu'on voudrait motiver à bien écrire quand toute la société autour d'eux... J'exagère peut-être, mais presque quand même. Effectivement, le modèle des adultes, etc., n'écrit pas, en fait, ou n'écrit plus, ou peu. Est-ce que, finalement, les alternatives, effectivement, numériques ou autres, peuvent prendre le pas à partir d'un certain moment, et puis ce n'est pas grave ?

  • Mireille Wenner

    Alors, justement, si... On va dire qu'à la fin du collège, le geste est automatisé et arrive le lycée. Et là, maintenant, la norme, c'est qu'au lycée, ils reçoivent un ordinateur. Et donc, si le geste d'écriture était douloureux, était lent avant d'avoir l'ordinateur, pendant ces trois années de lycée, ils ne vont quasiment pas écrire. Mais arrivé au bac, les épreuves, pour l'instant, la plupart se passent avec un stylo dans la main et on doit écrire. et souvent... On entend les élèves qui sortent des épreuves du bac, même après si c'est des épreuves écrites à l'université, de dire qu'ils ont mal à la main, mal au bras, parce qu'ils ont même perdu l'habitude d'écrire, en tout cas plusieurs heures de suite quand on fait un examen.

  • Florence Bara

    Peut-être juste pour rebondir là-dessus, on parlait au début des prérequis de motricité fine, tout ça, mais il faut savoir que l'écriture, c'est un exercice de motricité fine et qu'à force d'écrire... on entraîne aussi sa motricité fine. Et il n'y a pas beaucoup d'études, mais il y a des études qui montrent que les adultes qui écrivent énormément au clavier ont aussi des habiletés motricité fine qui régressent un petit peu. Donc, c'est aussi un exercice de motricité fine et ça développe aussi quelque chose.

  • Mireille Wenner

    Ce qu'il y a, c'est que les adultes n'ont pas besoin d'aller passer le baccalauréat. Parfois, ils ont besoin d'écrire quand même dans la vie professionnelle. Ça peut diminuer en autonomie, parfois.

  • Hélène

    Merci beaucoup à toutes les deux pour ces indications, ces conseils. Et puis aussi, peut-être parfois, on a relativisé des inquiétudes qu'on pourrait avoir. Il faut se donner le temps, peut-être. On passe à un temps d'inspiration. On vous a demandé toutes les deux de réfléchir à quelque chose que vous auriez envie de partager avec nos auditeurs et auditrices. Je commence avec vous, Mireille.

  • Mireille Wenner

    Je vous ai beaucoup parlé de la tenue, du paniement, ce pouce qui passe devant, les doigts qui peuvent devenir d'une couleur écarlate et à la fois blanc. Je ne vous ai pas prévenu au début, mais je vous ai peut-être inoculé un virus. Parce que maintenant, à chaque fois que vous verrez quelqu'un écrire à l'école, à la banque, le serveur, au restaurant, vous ne pourrez plus vous empêcher de voir peut-être ce qui ne va pas, ce pouce qui passe devant. et et qui bloquent complètement l'écriture. Mais vous pourrez constater que pour certains, le résultat final finalement est tout à fait acceptable et que pour d'autres, on a des petites pattes de mouche.

  • Hélène

    Florence, est-ce que vous avez une inspiration qui vous vient ?

  • Florence Bara

    Alors moi, j'aurais envie de proposer aux enseignants aussi de se donner un peu plus de liberté par rapport aussi à cet apprentissage de l'écriture, en visant plus la finalité, en étant moins stressé aussi par ce cadre très normé, qui des fois peut détourner l'enfant du but final. qui est à un moment donné de pouvoir écrire en autonomie, de pouvoir aussi produire des textes, de pouvoir réfléchir sur ce qu'on a écrit. Et ça, du coup, c'est... Moi, j'ai travaillé pas mal, enfin, quelques années au Québec et le cadre était plus souple et ils n'étaient pas moins bons scripteurs. Il y avait, voilà, ils écrivaient sur une seule ligne, ils écrivaient en écriture script. Il y avait des normes de lisibilité, mais pas de belles écritures calligraphiées. Et du coup, ça, c'est quelque chose aussi que j'ai envie d'apporter un peu en France. Ça ne veut pas dire qu'on laisse faire n'importe quoi. Évidemment, il faut que l'écriture soit fluide et lisible. Mais ça veut dire que peut-être on peut s'écarter un peu d'un cadre hyper normé.

  • Régis

    Une inspiration presque en forme de conclusion. Donc, pour terminer cet épisode, j'ai envie de dire à ceux qui nous écoutent, votre ado ou vos élèves sont avachis sur leurs feuilles. Elles ont l'air toutes de travers. Ça n'est pas grave. Ça n'est pas grave. Son écriture est cassée, vous pensez qu'il est trop grand pour que ça puisse se réparer ? Faux, ça peut se réparer. Donc allez voir un petit peu en ligne ce que proposent nos invités, j'ai envie de dire, sur cet épisode, et notamment beaucoup de mythes autour de l'écriture. J'espère qu'on en a chassé quelques-uns, quelques réalités à aller explorer. Merci beaucoup Florence Bara et Mireille Wenner pour cet épisode.

Chapters

  • Le geste fondateur pour préparer l'écriture

    04:16

  • Enseigner l'écriture : de bien écrire à écrire vite ?

    21:53

  • Réparer l'écriture : les maux des mots

    33:44

  • Inspirations des invitées

    47:53

Description

Le geste d'écriture se construit dès la maternelle, mais son automatisation n'est pas acquise avant l'entrée au collège. Dans cet apprentissage au long cours, il existe quelques principes et méthodes éprouvés, mais aussi quelques habitudes contreproductives. Et puis il faut y consacrer du temps bien sûr, et souvent dès le cycle 3 on ne le travaille plus explicitement.
Comment enseigner l'écriture, la rendre efficace et fluide ? Comment la « réparer » chez des élèves qui ne l'ont pas acquise correctement au cours de leur scolarité ? Faut-il écrire bien ou vite ? Copier un texte est-il utile pour s'entraîner ? Et quel lien avec l'apprentissage de la lecture et la compréhension des textes ? Cet épisode vous donne des clés pour mieux appréhender cet apprentissage, du 1er au 2nd degré, et remet aussi en question quelques idées reçues.
Avec :
Florence Bara, professeure des universités en psychologie cognitive et développement, enseignante chercheuse à l’Inspé de Toulouse et membre du laboratoire Cognition Langues Langage. Ses recherches portent sur le processus d’apprentissage de la lecture et de l’écriture.
Mireille Wenner, professeure des écoles, référente REP+ et graphodidacticienne.

Les extraits que vous avez entendus sont issus des épisodes Extra classe :

Florence Bara, Jean-Luc Velay, Marie-Thérèse Zerbato-Poudou, Enseigner l'écriture, coll. « Mythes et réalités », Éditions Retz, 2025.

Chapitres :

00:00 Introduction
04:16 Le geste fondateur pour préparer l'écriture
21:53 Enseigner l'écriture : de bien écrire à écrire vite ?
33:44 Réparer l'écriture : les maux des mots
47:53 Inspirations

Extra classe sur toutes vos plateformes d'écoute :
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Extra classe, des podcasts produits par Réseau Canopé
Émission préparée et animée par : Hélène Audard et Régis Forgione
Réalisée avec l'appui technique de : Julien Bonhomme et Natacha Dubois
Directrice de publication : Marie-Caroline Missir
Coordination et production : Hélène Audard, Magali Devance
Réalisation et mixage : Simon Gattegno
Remerciements aux Ateliers Canopé de Toulouse et de Montigny-lès-Metz
Contactez-nous sur : contact@reseau-canope.fr
© Réseau Canopé, 2025


Hébergé par Ausha. Visitez ausha.co/politique-de-confidentialite pour plus d'informations.

Transcription

  • Hélène

    Bonjour chers poditeurs et poditrices d'Extra Classe, bienvenue dans un nouvel épisode Parlons Pratiques qui est consacré cette fois, et c'était écrit, à l'écriture.

  • Régis

    Après un épisode sur la lecture l'année dernière, à écouter sans hésiter en complément de celui-ci, logique de nous pencher cette fois sur l'apprentissage du geste d'écriture, les difficultés et remédiations possibles au cours de la scolarité.

  • Hélène

    Alors Régis, je te propose un petit test, une question piège. Tu dois répondre sans tricher. Et vous aussi qui nous écoutez, vous pouvez essayer d'y répondre de votre côté. Combien de temps as-tu passé aujourd'hui à écrire à la main ?

  • Régis

    Alors, en temps, je ne sais pas Hélène, mais j'utilise un bullet journal, un petit carnet de gestion de tâches et de prise de notes rapide au quotidien. C'est à peu près tout ce que j'écris. En gros, ça doit faire une feuille à cinq par jour. Mais honnêtement, tout le reste, on va dire 90% de mon écriture passe par clavier-écran. Et toi ?

  • Hélène

    Alors moi, je... Je pense que moins d'une heure, ça c'est sûr. J'ai pris quelques petites notes, j'ai mis mes idéaux clairs sur le papier. C'est à peu près tout, c'est surtout pour moi en fait.

  • Régis

    En tout cas, on est très loin d'un élève en classe qui passe entre 30 et 40% de son temps à écrire dans le premier degré et sûrement plus encore dans le second degré.

  • Hélène

    On comprend à quel point c'est crucial que ce geste d'écriture soit préparé, enseigné, entraîné au fil du temps. De la maternelle jusqu'à quand en fait ? Jusqu'au cycle 3. trois jusqu'au collège, au-delà ?

  • Régis

    Pour pas mal d'élèves, ça n'est pas complètement acquis à l'arrivée au collège en tout cas. C'est donc une question qui va vous intéresser, parents et enseignants qui nous écoutez, et qui aide confrontés à des élèves, à des enfants en difficulté avec l'écriture.

  • Hélène

    Avec nos invités Florence Bara et Mireille Wenner, nous reviendrons aux fondamentaux de l'apprentissage de l'écriture. Nous essaierons de déminer quelques idées reçues et de donner des pistes pour réparer les écritures. Et oui, c'est possible.

  • Régis

    Apprendre à écrire. de la maternelle au lycée, c'est parti !

  • Hélène

    Mireille Wenner, bonjour !

  • Mireille Wenner

    Bonjour !

  • Hélène

    Vous êtes professeure des écoles, actuellement référente REP+, et vous êtes également grapho-didacticienne, mais vous préférez dire que vous réparez les écritures, qu'est-ce que ça veut dire ?

  • Mireille Wenner

    Alors j'ai fait une formation... au geste d'écriture qui s'appelait une formation de rééducatrice en écriture. Et il s'est avéré que le mot rééducatrice correspondait plus au corps médical. Donc, on a dû changer de nom et c'était tout à fait justifié. Et donc, le nouveau nom, c'était gravedidacticienne. Mais moi, je trouve ça très académique parce que quand j'interviens avec des enfants, je préfère leur dire que je suis là pour réparer les écritures. Alors, je vais... C'est un peu comme du bricolage, parce que chaque élève est différent, chaque enfant est différent, l'écriture et la tenue, tout est assez différent. Et donc, moi je viens pour donner des pistes, des trucs pour réparer l'écriture.

  • Régis

    Laurence Bara, bonjour.

  • Mireille Wenner

    Bonjour.

  • Régis

    Vous êtes professeure des universités en psychologie cognitive et développement, enseignante chercheuse à l'INSPE de Toulouse et membre du laboratoire cognition langue-langage ergonomie, CLE, pour donner l'acronyme. Vous êtes co-autrice d'un ouvrage sorti tout récemment, « Enseigner l'écriture » , dans une collection qu'on aime tout particulièrement, « Mythe et réalité » aux éditions Retz. Pour vous aussi, question express et question qui gratte. Sachant que presque tout se passe aujourd'hui sur clavier-écran, honnêtement, est-ce que ça vaut encore le coup d'apprendre à écrire à la main ?

  • Florence Bara

    Alors oui, ça vaut le coup. Après, apprendre quel style d'écriture, comment l'apprendre, ça c'est des questions peut-être qu'on abordera. Et ensuite, ce n'est pas parce qu'on ne fait plus quelque chose en tant qu'adulte. que c'est inutile de l'apprendre quand on est enfant. C'est vraiment deux choses complètement séparées. Et autre chose que je peux ajouter, effectivement, un adulte va écrire la majorité du temps avec un clavier. Donc, c'est essentiel aussi d'apprendre à écrire au clavier. Et ça, c'est une question qui est finalement peu posée. Donc oui, il faut continuer à apprendre à écrire parce que ça permet aussi de construire un réseau lecture-écriture. Ça permet de mieux reconnaître les lettres, d'apprendre à les tracer. Et en même temps, il faudrait peut-être aussi envisager d'apprendre à dactylographier.

  • Régis

    Allez, on entre dans le vif du CG de l'émission avec la première partie, le geste fondateur pour préparer l'écriture. Alors dans cette partie, on va se demander, en tout cas on va essayer de comprendre pourquoi et comment l'écriture se construit, évidemment dès la maternelle, et en quoi ce geste physique conditionne la suite. Peut-être en commençant par vous, Madame Bara, comment est-ce qu'on apprend à écrire à l'école en France ? Peut-être d'une manière plus générale, comment sont formés les

  • Florence Bara

    Alors, comment est-ce qu'on apprend à écrire ? Déjà en France, on apprend à écrire très précocement. Ce n'est pas le cas de tous les pays. On a une scolarisation précoce et un apprentissage de l'écriture très précoce. On commence à préparer les prérequis à l'écriture dès la petite section, avec toutes les habiletés de motricité fine, de coordination visiomotrice. Donc on est sur un apprentissage très progressif. On sait que l'apprentissage de l'écriture, c'est quelque chose de complexe, qui se met en place pendant de nombreuses années. Donc on est plutôt sur l'idée d'un apprentissage très précoce. Avec un apprentissage qui va partir des lettres de capitale en capitale d'imprimerie qu'on estime plus facile à produire, pour aller vers les lettres en cursive qui nécessitent des gestes beaucoup plus complexes. Et puis cet apprentissage va se poursuivre après en CP, dans les premières années de primaire, et puis va s'affiner, s'automatiser petit à petit tout au long de l'école primaire. Alors comment sont formés les enseignants pour apprendre l'écriture ? Je dirais quand même assez peu. Tout comme le temps consacré à l'écriture est assez faible en classe. Je crois qu'il y avait la recherche « Lire-écrire » coordonnée par Roland Guagou qui montrait que les activités d'écriture, c'était deux heures et demie par semaine en classe. Parmi ça, il y avait à peu près une cinquantaine de minutes de copie et un quart d'heure à peu près autour de la calligraphie. Donc c'est des activités qui prennent quand même assez peu de place en classe, même si on utilise par contre l'écriture très souvent, en tout cas le temps consacré à son enseignement. est faible et du coup je dirais peut-être en proportion le temps consacré à la formation des enseignants sur cette question est aussi assez faible.

  • Hélène

    Et là j'imagine qu'on parle en plus des premières années, à la fois la fin de la maternelle et puis les premières années CP, CE1 et que par la suite ça décroît encore, j'imagine, ce temps consacré vraiment aux gestes d'écriture.

  • Florence Bara

    Ah oui, il est quasi inexistant par la suite avec l'idée que tout est fini, on va dire, arrivé au cycle 3, que l'enfant est prêt. Avec qui on entend même parfois apprendre des notes alors qu'on est encore dans ce processus d'automatisation. On considère que l'automatisation chez l'enfant, ce n'est pas avant 9-10 ans. Un geste qui commence à être automatisé pour les enfants bons scripteurs. Après, je ne parle pas des élèves en difficulté.

  • Régis

    Mireille Wenner, vous qui avez enseigné dans plusieurs niveaux de classe, plusieurs types d'établissements, qu'est-ce que vous avez pu constater ? Quel temps y passent les enseignants, notamment en maternelle ? Est-ce que ça vous paraît suffisant de votre expérience ?

  • Mireille Wenner

    De mon expérience, depuis que j'ai fait cette formation, et quand j'enseignais en maternelle après cette formation, de très nombreuses activités dans la journée des élèves de petite section, de moyenne section, de grande section, étaient orientées vers la préparation aux gestes d'écriture. Ce qui n'était pas le cas avant que je fasse cette formation, parce que je ne savais pas comment le faire. Comme le disait Florence Barra, J'étais à l'INSPE il y a très longtemps et on n'avait aucune formation geste d'écriture et je pense que beaucoup d'enseignants après moi ont été formés mais il n'y a pas eu de formation geste d'écriture. Et donc pour rebondir un petit peu sur ce que disait Florence Barra, effectivement dès la petite section, on va développer les compétences motrices mais on va souvent mettre des crayons dans les mains déjà à ce moment-là. et donc la tenue du crayon elle va être on va dire spontanée, faite par les élèves sans même... De toute façon, ils n'ont pas encore les compétences motrices pour bien maîtriser certains gestes. Et en fait, cette première tenue, souvent, elle va très vite se fixer, en fait. Elle va très vite être installée. Et après, ce sera difficile de la modifier. C'est un peu comme toutes les habitudes qu'on peut avoir dans la vie de tous les jours. Changer une habitude, c'est compliqué. Et donc, dès la petite section, il y a des habitudes qui sont mises en place parce qu'on n'a peut-être pas développé assez les compétences motrices, les compétences d'organisation de l'espace et aussi le rythme de l'écriture avant de mettre un crayon dans les mains des élèves de petite section.

  • Hélène

    Mais Florence Bara, quand on met un crayon entre les mains des enfants, ou même des fois quand ils le prennent par eux-mêmes, je pense, ils peuvent faire plein de choses avec ce crayon, et pas nécessairement écrire, surtout, j'imagine, en début de maternelle. Donc peut-être, est-ce que vous pouvez nous expliquer un petit peu la différence qu'il y a entre commencer à travailler l'écriture et puis dessiner ou faire des activités de graphisme, qui sont différentes activités qu'on voit à la maternelle ?

  • Florence Bara

    Alors, il y a un système graphique qui est préexistant à l'écriture, celui du dessin et des premières tracées. Les premières fois que l'enfant expérimente les tracés, ce n'est pas dans l'écriture, ça va être dans le dessin et dans des gribouillés, des tracés. Je ne suis pas tout à fait d'accord dans le sens que, effectivement, très tôt, il va prendre un crayon. Et ce n'est pas un problème vraiment en soi. Par contre, je suis aussi d'accord avec vous sur le fait que la tenue du corébon, ça dépend des habiletés de motricité fine. Donc après, il y a vraiment une interaction entre les deux. On ne peut pas non plus empêcher les enfants de prendre un crayon parce qu'ils ont à l'âge de un an. Ils commencent déjà à faire leur premier tracé. Ils vont produire des choses et ils vont s'appuyer sur ce système graphique pour après. entrer aussi dans l'écriture. Donc, il va y avoir un transfert qui va se faire à un moment donné, avec aussi une différenciation qui doit se mettre en place, parce que le dessin, ce n'est pas l'écriture. On sait qu'autour de 5-6 ans, ces deux systèmes graphiques sont complètement différenciés. On sait même que chez l'adulte, c'est des structures neuronales différentes qui vont participer à la production d'un dessin ou d'une écriture. Donc, il y a une différenciation qui se met en place progressivement. L'enfant va s'appuyer sur les compétences qu'il a déjà. qu'ils développent à travers le dessin et le graphisme pour les transférer à l'écriture. Et ça, ça va amener à la fois des progrès, mais aussi des difficultés. Par exemple, on sait qu'il y a des règles de production graphique qui font que quand je commence un dessin, quand je commence à tracer un cercle en haut, j'ai plus de sens d'aller dans un certain sens de l'écriture, alors que quand je commence le tracé en bas, je vais aller dans l'autre sens, naturellement. Et ça, ça peut produire des lettres en miroir, par exemple, chez le jeune enfant. ces règles du dessin qui sont transférées à l'écriture. Donc il va falloir qu'il apprenne ce qui est commun à ces deux systèmes graphiques et ce qui est différent, et il va se spécialiser petit à petit là-dedans.

  • Régis

    Mireille Wenner, quelles erreurs d'habitude, je mets des guillemets, les erreurs habituelles que vous voyez qui peuvent se transmettre dès la maternelle et peut-être les plus importantes qui seraient des freins pour la suite de l'apprentissage de l'écriture ?

  • Mireille Wenner

    Alors justement, par rapport à... Moi, je distingue la tenue, le maniement, mais aussi la posture de l'élève. Et c'est vrai que les premières traces graphiques faites par l'élève, ça va être du dessin, du coloriage. Donc là, déjà, on a la façon de manier le crayon n'est pas la même. Le coloriage, c'est un balayage. Le dessin, ça se fait à main levée, pour qu'on puisse faire un dessin sur toute la feuille. Alors que l'écriture, c'est quelque chose qui se fait avec la main posée. donc là déjà on peut On peut voir chez des élèves, on voit souvent chez des élèves au primaire ou au collège, des élèves qui, en fait, pour écrire, font un balayage du poignet. Et ça, c'est peut-être hérité d'une petite confusion au départ, le fait que les premières traces, c'était du balayage. Après, il y a aussi une tenue, quand ils sont tout petits, s'ils n'ont pas encore... Il y a un réflexe de préhension qui est quand on serre la main. Et en fait, on voit beaucoup de tenues de crayon à l'école primaire où c'est un héritage un peu de cette tenue-là. Moi, je dis toujours, on voit le crayon est serré dans la main et le pouce passe par-dessus les autres doigts et bloque complètement les doigts. Alors que la façon la plus efficace d'écrire, c'est quand les doigts se plient et se déplient et le bras se déplace. Et ce n'est pas le poignet qui doit faire le geste pour tracer les lettres, c'est vraiment les doigts qui doivent bouger. Donc il y a ça. Et on peut avoir, par rapport à tout ça, ça va impacter l'écriture. Ça peut impacter l'écriture de ne pas avoir tous les appuis par rapport à sa main, son poignet, son avant-bras. Ça va se retrouver directement, on peut voir sur les feuilles, on peut voir des foulages. Donc des traces comme les espions, on pourrait retrouver ce qu'ils ont écrit en prenant la feuille suivante. Je pense qu'au départ, comme je disais, il faut se laisser le temps de développer ses habiletés motrices et aussi d'organisation de l'espace en faisant beaucoup de graphismes et de dessins. Et après, vraiment bien montrer la différence à l'enfant que l'écriture, c'est on pose la main, on bouge les doigts, ce qui n'est pas la même chose.

  • Hélène

    Je vous propose, pour continuer sur toutes ces activités préparatoires à l'écriture en maternelle, d'écouter un petit extrait d'un épisode d'Energie scolaire qui s'appelait « Un coin argile en maternelle » . Et dans cet extrait, Sophie Levincent, qui est enseignante en maternelle, nous explique qu'elle favorise... La manipulation quotidienne de l'argile avec ses élèves, elle le fait pour toutes sortes de raisons, mais en particulier elle fait un lien entre cette manipulation de l'argile et la préparation du geste d'écriture et elle dit même que ses collègues de CP l'encouragent à poursuivre parce qu'ils ont l'impression que... Les élèves arrivent en CP avec des habiletés particulières, on l'écoute.

  • Mireille Wenner

    Il y a un constat qui se fait de plus en plus à l'heure actuelle en école élémentaire, c'est qu'on a des enfants qui sont crispés sur la tenue du crayon, des enfants qui tirent la langue, on a tous tiré la langue quand on écrivait, ce sont des enfants qui ont des tensions. Donc l'argile, elle, elle permet de renforcer le tonus musculaire, d'avoir une meilleure mobilité des articulations. Et elle permet aussi déjà d'avoir une vision en 3D de ce que l'on fait. C'est à ce moment-là que la main se forme et c'est à ce moment-là qu'il faut justement travailler la motricité fine et surtout la travailler en s'amusant avec de la matière qui les amène à découvrir le monde par ailleurs.

  • Hélène

    Florence Bara, est-ce que vous avez écrit dans cette collection de mythes et réalités ? C'est le moment, est-ce que... Il y a un réel effet de cette musculation, je ne sais pas comment il faudrait appeler ça, des doigts.

  • Florence Bara

    Alors, je pense qu'en fait, c'est un peu la même chose que la tenue de crayon ou tout ça. Il faut bien comprendre les mécanismes. Il y a des prérequis à l'écriture, c'est vrai. Il y a des prérequis d'habileté motrice, de motricité fine, de coordination visuomotrice. Si ces habiletés-là ne sont pas bien installées, effectivement, c'est difficile d'écrire. Par contre, ce n'est pas parce que ces habiletés sont bien installées qu'on va bien écrire. L'écriture, c'est un processus beaucoup plus complexe que ça. Ça rend dans un système alphabétique. Ce n'est pas uniquement tracer des formes, on est bien d'accord, c'est faire correspondre des lettres et des sons avec une trace écrite. Donc on est dans un système beaucoup plus global, un système alphabétique de correspondance lettres-sons dans lequel on a une trace à produire. Donc ça, c'est la première chose. Donc je dirais qu'il faut faire attention de ne pas confondre des prérequis et les répercussions que ça a sur l'écriture. Sans ces prérequis, on a du mal à écrire, on a du mal à tenir son crayon, on a mal aux muscles, effectivement. Mais ce n'est pas parce qu'on les a développés qu'on écrit bien. Donc ça, c'est la première chose. Et deuxième chose, il faut faire attention à ne pas se focaliser sur des éléments externes à l'écriture. Donc certes, les tenues de crayon, on sait que quand les enfants ont des tenues complètement immatures, où on a tous les bras, tous les doigts serrés sur le crayon, qu'ils ne peuvent pas bouger les doigts, ce n'est pas efficace. Par contre, ce qu'ont montré les recherches, c'est qu'il n'y a pas non plus une obligation d'une prise normée. On voit beaucoup l'obligation de la prise en tripode, là, entre les trois doigts. le pouce et l'index sont en opposition, et puis le stylo appuyé sur le majeur, ce n'est pas la seule position. À partir du moment où le crayon peut bouger, qu'il a un angle de mouvement, à partir du moment où le poignet peut se déplacer sur la feuille et que les doigts sont mobiles, à ce moment-là, la prise, il n'y a plus d'effet sur la lisibilité et la qualité. D'ailleurs, les adultes ont des prises de crayon très différentes les uns des autres. Donc, bien sûr que ça a une importance. Il ne faut pas être trop crispé, il ne faut pas mettre trop de pression, sinon on ne peut pas écrire de manière fluide. Mais il ne faut pas non plus donner trop d'importance à ça, parce que dans le sens qu'il ne faut pas que ça devienne trop normé, il ne faut pas imposer une tenue. Effectivement, si on sent que l'élève a des difficultés, en général ce n'est pas que la tenue d'ailleurs, c'est tout un ensemble, c'est parce qu'aussi on a du mal à programmer son geste, que par répercussion on se crispe sur le stylo et qu'on a du mal à le tenir. Donc il ne faudrait pas que des éléments, un peu des artefacts de l'écriture, deviennent le cœur de l'enseignement et de l'apprentissage. Et sur la posture, c'est pareil. Il y a des recherches qui montrent qu'effectivement, il faut que le poignet et le coude puissent reposer sur la table pour bien écrire. Ça, c'est clair. Par contre, il n'y a aucune étude qui a réussi à montrer, par exemple, que le buste, s'il était plus ou moins rapproché, si les pieds étaient bien posés par terre, si les fesses étaient tordues, ça, ça ne fait pas de répercussion directe sur l'écriture. Donc, je le dis juste parce qu'il y a quand même des subtilités en recherche. Il y a des choses qui sont montrées, d'autres pas. Et parfois, comme le plus visible, c'est la posture et la tenue, on peut avoir des enseignants qui du coup agissent sur ce qui est le plus visible, pareil pour la forme, sans aller vers toute la dynamique et le processus de l'écriture.

  • Régis

    Vous dites enseignant, parent aussi, effectivement, qui s'attache à ce genre de choses. Mireille Wenner, vous qui intervenez parfois individuellement auprès d'un élève, pour les parents qui nous écouteraient, qu'est-ce qu'on pourrait leur proposer pour leur enfant à la maison ? Justement, on comprend qu'il ne faut pas être aussi attentif que ça à la posture, à la manière dont il tient son crayon. Qu'est-ce qu'on pourrait leur conseiller ?

  • Mireille Wenner

    Alors, est-ce que je pourrais juste revenir sur ce que Florence a dit ? C'est possible ?

  • Régis

    Bien sûr.

  • Mireille Wenner

    Donc moi, j 'ai effectivement parlé de la tenue, du maniement, de la posture, tout ça. En fait, il y a quand même beaucoup d'élèves qui, même avec une mauvaise tenue, même avec une posture, qui finissent par écrire correctement. Et moi, je n'interviens que souvent à la demande des parents ou en classe si l'écriture est illisible ou bien s'il y a des douleurs. Et clairement, quand c'est illisible et qu'il y a des douleurs, mais c'est justement sur la tenue, le maniement que... qu'on arrive à faire progresser l'élève vraiment de façon incroyable, on va dire, parce qu'en ne changeant vraiment pas grand-chose, une habitude, en changeant une habitude, voilà. Si le résultat final, si l'écriture est lisible, si elle est fluide, si elle est rapide, eh bien, on ne doit pas intervenir, en fait, parce que, justement, en donnant certaines injonctions, comme par exemple, mets ta feuille droite, En fait, on va le mettre en difficulté parce que si vous posez vos deux mains sur la table, naturellement, sans réfléchir, vos deux mains ne vont pas être perpendiculaires à la table. Elles seront légèrement inclinées. Et en fait, si on aligne tout, le bras qui est posé sur la table avec la feuille, le crayon, justement une feuille qui va être redressée perpendiculaire à la table. on va mettre l'enfant en difficulté par rapport à ça. Donc le conseil, c'est si le résultat est tout à fait correct et tout à fait efficace, on ne fait rien. Et si jamais l'élève est en difficulté, si l'enfant est en difficulté par rapport à l'écriture, on essaye justement de voir où est-ce que ça ne va pas. Est-ce qu'il manque un appui sous le bras ? Est-ce qu'il manque un appui ? Alors on peut le voir tout simplement. Quand il manque un appui, je vous ai parlé des foulages, on peut voir s'ils appuient trop fort sur le crayon, ça c'est signe forcément de tension et l'enfant peut se plaindre d'avoir mal au bras. On peut aussi voir des élèves qui, comme il manque un appui quelque part, le bras, l'avant-bras, peu importe, on peut voir des fois l'index qui devient... Alors vous pouvez essayer, si maintenant vous appuyez très fort sur la table avec votre index, vous allez voir qu'il va devenir tout blanc au bout et rouge. un peu moins au bout du doigt. Et si vous voyez votre enfant avec un doigt de cette couleur-là, c'est qu'il y a quelque chose à faire parce qu'il y a trop de pression sur ce doigt. Voilà. Après, voilà, c'est les conseils que je peux donner rapidement.

  • Hélène

    Alors, c'est très visuel et je peux vous dire que tout le monde a fait les gestes, a testé son doigt et effectivement, c'est très parlant. Je vous propose qu'on avance un petit peu. Donc, on était un peu sur ces... passage obligé de la maternelle, de l'apprentissage, enfin en tout cas de la préparation à l'apprentissage. Et on va passer dans un deuxième temps, donc vraiment sur l'enseignement de l'écriture, de bien écrire à écrire vite. Alors là, l'idée, c'est de voir un petit peu comment cet enseignement se pratique et puis aussi qu'elles sont un peu, on parlait d'injonction, c'est vrai qu'il y a beaucoup de choses auxquelles les enseignants vont être attentifs, certaines qui sont efficaces, d'autres peut-être plus contre-productives. Florence Barra, déjà, est-ce que copier un texte, écrire longuement, de façon récurrente, c'est utile ? ou pas, pour apprendre à écrire ?

  • Florence Bara

    Alors, pour apprendre à écrire, disons, dans les premières étapes, pas forcément. Copier, c'est plus de l'entraînement, je dirais. Il y a pas mal de recherches autour de ces questions-là. Comment est-ce qu'on fait ? Déjà, on a besoin de mémoriser la forme de la lettre. Et du coup, pour bien la mémoriser, être capable de la reproduire, en fait, les plus efficaces, ça va être des exercices qu'on appelle plutôt de copie différée, où on va montrer le modèle. On va travailler aussi sur le modèle de la lettre. Évidemment, ce n'est pas la seule chose qu'on va faire. Il faut déjà qu'il y ait une bonne représentation visuelle de la lettre en mémoire. Donc, on peut montrer le modèle de la lettre, demander à l'enfant de l'analyser, lui donner des indices visuels, mettre des flèches, des couleurs aussi sur le modèle, décrire ce modèle aussi verbalement, le tracer soi-même devant l'enfant. En tout cas, faire tout un tas d'activités qui permettent à l'enfant de bien mémoriser la forme visuelle. Puis après, on lui enlève et on lui demande de la recopier. Une fois qu'il l'a copiée, au début, évidemment, il va avoir du mal à la copier, peut-être pas en entier tout ça, mais on lui remonte la forme. On lui remonte comment on peut la faire, on l'enlève et on lui demande à nouveau de la recopier. Donc, sans qu'il ait le modèle, on sait que le fait d'avoir le modèle visuel tout le temps, ça fait qu'on va être dans une tâche vraiment d'essayer de copier des fois, trait par trait, cette lettre. Et ça ne participe pas forcément à la représentation globale de la lettre. Donc, ce type d'activité, en tout cas, c'est plus efficace dans les recherches pour apprendre à écrire les lettres. plutôt que des pures activités de copie seule, où je vais m'entraîner à copier la lettre. Donc il faut diversifier aussi ces apports-là et ces pratiques. Et ça, c'est des choses qui vont être plutôt efficaces. Travailler d'abord sur construire une bonne représentation visuelle de la lettre, pour après la reproduire, pour avoir associé aussi la représentation visuelle de la lettre avec la représentation motrice. On peut aussi entraîner le geste de manière plus simple, en faisant tracer. avec des lettres en creux par exemple, avec des rails qui vont permettre aussi de s'entraîner à un geste sans avoir à gérer en même temps. J'essaye de découvrir une forme et de la retracer en même temps. Donc ça c'est des exercices complémentaires, ça veut pas dire qu'on fait pas de copie. Mais ce qu'on voit le plus souvent comme pratique en classe, c'est des exercices vraiment de copie de modèle. Il y a plein d'autres choses à proposer qui vont faciliter l'apprentissage de l'écriture.

  • Régis

    Mireille, vous voulez rebondir ?

  • Mireille Wenner

    Oui justement, donc Une fois que l'élève maîtrise le modèle, moi ce que je conseille aussi, c'est très rapidement de l'associer à d'autres lettres. Parce que la combinaison des lettres fait que chaque lettre doit s'adapter à la lettre qui vient avant et la lettre avant doit s'adapter à la lettre d'après. Alors c'est plus parlant par exemple pour les lettres qui terminent en O, comme le V, le O, le B. Et parce qu'on voit souvent des élèves qui arrivent en cycle 3 et qui continuent après un B par exemple à redescendre sur la ligne pour tracer un I parce que justement ce modèle il a été fixé dans leur mémoire et donc très rapidement, surtout dès le CP, on refait le modèle mais on l'associe très rapidement à d'autres lettres après.

  • Régis

    Florence Barra, ça ouvre presque la question du dogme de l'écriture cursive en France.

  • Florence Bara

    J'allais y venir. Effectivement, ces nécessités d'accroche, c'est spécifique à la cursive, qui est l'écriture qu'on apprend, donc ce n'est pas unanime dans les différents pays. Donc nous, on a mené différentes recherches autour de ces questions-là et nos résultats nous amènent plutôt à conclure que l'écriture script est plus facile et plus rapide. que l'écriture cursive, contrairement à ce qu'on peut imaginer souvent, cette fluidité, rapidité de l'écriture cursive qui est vraiment un mythe. Donc en script, effectivement, on a moins ces problèmes-là. Alors, ça pose aussi des questions sur dans quel niveau on parlait de la difficulté d'apprendre à écrire. C'est vrai que c'est extrêmement complexe l'écriture. Et comme le dit Mireille, c'est vrai que l'attachement des lettres crée une complexité supplémentaire très forte, avec des variations de lettres. Ça crée aussi un intérêt parce que ça permet aussi à l'enfant de comprendre qu'on peut avoir des variations de formes sans que ça change la lettre. Et ça, on sait que c'est un apprentissage très important aussi pour rentrer dans le système alphabétique. Ce n'est pas une représentation purement standard. Les lettres, elles peuvent varier, elles peuvent se modifier. Pourtant, c'est toujours les mêmes mots qu'on va lire et ça représente toujours les mêmes sons. Donc, ça aussi a un intérêt. Donc voilà, il ne faut pas l'oublier. Nos recherches montrent aussi que cette variabilité aussi avec les formes cursives ont un intérêt. Mais en même temps, ça... Ça pose des grosses difficultés à l'enfant, cette écriture cursive, très normée, attachée, à laquelle le système français est très attaché. Mais ça ne fait pas l'unanimité dans tous les pays. Et apprendre en script, ce n'est pas inintéressant non plus. Ça permet d'apprendre plus vite, d'aller plus vite et d'avoir moins de difficultés aussi pour des élèves qui auraient des difficultés motrices, tout simplement.

  • Hélène

    Ça veut dire que ça serait intéressant, par exemple, pour des élèves dont on perçoit précocement qu'il y a des difficultés de rapidité, des ans. On pourrait imaginer qu'ils travaillent essentiellement avec une écriture script et qu'ils sautent cette étape de la cursive. Ou est-ce que ce n'est vraiment pas envisageable dans le système éducatif français tel qu'il est actuellement ?

  • Florence Bara

    Pour les élèves à besoin éducatif particulier, c'est envisageable, c'est parfois préconisé. Moi, j'aurais plutôt l'idée de le préconiser avant le clavier. finalement de déjà tester est-ce que les enfants sont capables quand même de maîtriser un système écrit manuel avant de passer directement au clavier parce que ça a quand même un intérêt comme je vous disais puisque les lettres qu'on écrit c'est aussi celles qu'on reconnaît le mieux, donc ça a vraiment un intérêt en soi. Ça peut être proposé parfois dans des plans d'accompagnement pour des élèves qui ont des difficultés reconnues. C'est pas toujours accepté, c'est pas toujours valorisé ce changement de police d'écriture. Pour des élèves qui ont des troubles du développement intellectuel, qui peuvent avoir aussi des difficultés motrices associées, c'est des choses qu'on voit assez régulièrement en termes d'adaptation du parcours d'apprentissage. Mais à mon avis, ça gagnerait à être proposé aussi. On a plutôt tendance à passer directement au clavier quand on voit que les difficultés sont trop fortes.

  • Régis

    Mireille Wenner, moi j'ai très envie de vous demander les conseils que vous donneriez à des enseignants, professeurs des écoles, mais peut-être plus au collège, qui voudraient mettre en place des rituels. Soyons fous des rituels, je dirais, courts et efficaces.

  • Hélène

    Alors, il est possible de mettre des rituels courts et efficaces en place, mais après, peut-être plus avec des enseignants de cycle 2, donc à partir du CP, CE1, peut-être CE2, mais après, ils sont tellement pris dans tout ce qu'ils ont à faire qu'ils ont du mal à se dire, oui, non, mais je ne peux pas encore coincer cinq minutes ou dix minutes par jour juste pour le geste d'écriture, même si pour certains élèves, ça pourrait être efficace. et donc j'ai pu tester l'année dernière dans une classe de CP où je suis allée une fois par semaine justement mettre en place des petits rituels vers une tenue plus efficace, un maniement plus efficace, un déplacement du bras, voilà. Et le résultat au bout d'une année, donc moi je ne peux venir qu'une fois par semaine, mais l'enseignante reproduisait le rituel toute la semaine pendant cinq minutes à peu près par jour. et donc... Elle a été, à la fin de l'année, elle a été vraiment étonnée de voir que tous les élèves tenaient à peu près leur crayon correctement, le maniaient correctement. Et donc, c'est que ces petits rituels ont porté leurs fruits avec ces élèves-là. Après, c'était une classe en REP+, avec uniquement dix élèves. Donc, c'était peut-être plus facile à mettre en place comme ça.

  • Régis

    Il y a une autre chose aussi qu'on met souvent en avant, c'est le soin, c'est la belle écriture. Alors, on n'est plus à la plume, mais quand même, il y a cette idée qu'il faut écrire bien. Et donc, est-ce qu'il vaut mieux écrire doucement et bien ou est-ce qu'il vaut mieux écrire vite et moins bien ? Florence Barra, je ne sais pas si vous avez une réponse à ça. J'ai l'impression qu'il faut viser l'efficacité à un moment donné.

  • Mireille Wenner

    Si, bien sûr. Il faut viser l'efficacité, c'est sûr. il faut viser un compromis entre les deux. Parce que l'écriture, elle est destinée quand même à être... relu à un moment donné. Donc forcément, il y a un minimum de lisibilité à avoir. Après, si la lisibilité se fait au détriment de la vitesse, ce n'est pas du tout efficient non plus, puisque l'intérêt de l'écriture, c'est de pouvoir avoir une écriture automatisée pour faire autre chose, pour pouvoir produire des textes, pour écrire des mots, pour pouvoir prendre des notes. Pour ça, il faut que le geste moteur soit automatisé pour qu'on puisse avoir des ressources cognitives libres pour faire autre chose, pour faire des traitements, on va dire, de plus haut niveau. Donc le but quand même, c'est d'automatiser l'écriture. Ce n'est pas d'avoir une belle écriture, c'est d'avoir une écriture lisible et automatisée. Automatisée, ça veut dire rapide, fluide et qui ne me demande pas beaucoup de réflexion et pas beaucoup de coups cognitifs. Donc c'est quand même ça le but. Donc il ne faut pas que la qualité se fasse au détriment de la vitesse et de la fluidité. Donc je pense que c'est surtout ça qu'il faut dire. Et parfois, on insiste. énormément sur l'aspect calligraphique, sur la beauté, sur le respect de la ligne, des interlignes qui sont très sévères chez nous, très précises, ce n'est pas le cas. Il y a des pays où on écrit juste sur une seule ligne. Donc, si tout ça se fait au détriment de l'automatisation, là, c'est un vrai problème, par contre.

  • Régis

    Mireille ?

  • Hélène

    Oui, donc, par rapport à ça, je voulais dire, justement, dans ces rituels que l'on a mis en place avec cette collègue, Le but, c'est justement que l'écriture devienne un mouvement et que l'élève, par rapport à ce que disait Florence, le respect de la ligne, ça devient juste un petit contrôle visuel parce que le bras, lui, se déplace déjà dans l'alignement de cette ligne. Il se déplace déjà justement le long de cette ligne, donc il n'y a plus besoin de faire attention à ça. Tous les rituels sont assez basés sur le mouvement et pour que justement ce mouvement s'automatise. Et souvent, c'est pour ça que j'ai choisi d'essayer ces rituels en CP. C'est parce que souvent, en CP, quand on écoute les parents, ils disent « je ne comprends pas au CP, il avait une belle écriture, il écrivait bien. » Et arrivé au CE1, où justement, il y a un peu plus à écrire, des leçons à écrire et tout ça, et là, ça part en vrille. Et on se dit « pourtant, l'année dernière, il écrivait tellement bien. » Oui, mais il écrivait très doucement. et donc si justement Dès la maternelle, puis ensuite au CP, on met en place des rituels où l'écriture, justement, va donner du rythme à l'écriture, du mouvement. Ça va simplifier le geste d'écriture et il va pouvoir passer, il va pouvoir s'automatiser et libérer. On va pouvoir libérer de la place pour justement se concentrer sur ce qu'on écrit.

  • Florence Bara

    Et si ça n'a pas marché, rassurez-vous, il y a le troisième temps de l'émission. On va voir qu'il est possible de réparer l'écriture. Les mots MAUX, des mots MOTS. Alors effectivement, il y a des remédiations possibles, mais je vais vous laisser la parole Mireille, sur les difficultés, le type de difficultés que vous rencontrez chez les enfants.

  • Hélène

    Alors, comme je disais tout à l'heure, ça va être une tenue qui n'est pas efficace. C'est-à-dire que, par exemple, justement, quand on tient son crayon, et ça, on le voit énormément dans les classes, même au collège, on voit le pouce qui passe devant tous les doigts et qui va tout bloquer. Donc, moi, je dis toujours, quand vous jouez au Lego, Vous n'allez pas bloquer vos pouces et bloquer vos doigts et vous n'allez pas vous servir de vos poignets pour bouger vos Legos. Donc voilà, c'est déjà une première chose. Après, il y a aussi ce pouce qui passe devant, il empêche le maniement du crayon, il empêche le crayon de se déplacer normalement. Et forcément, écrire avec son poignet, on va être moins précis. Donc ça, c'est déjà une chose qu'on peut, avec des petites manipulations, ce n'est pas du tout de l'écriture, parce que souvent, On me dit, je fais déjà des difficultés pour les enfants, ils sont un peu peur parce qu'ils se disent, elle va me faire écrire. Non, pas du tout, parce qu'on va vraiment travailler sur la tenue, le maniement et la posture.

  • Régis

    Là, on voit qu'effectivement, il y a des difficultés qui sont de l'ordre du maniement, etc. Florence Barra, quelle différence est-ce qu'on fait entre un élève qui a des difficultés à écrire vite et lisiblement, pour peut-être effectivement ce type de raison ou pour d'autres ? Et un élève qu'on va dire dysgraphique, est-ce qu'on va intervenir de la même façon ? Pour un enseignant, comment est-ce qu'il peut déterminer ces différentes situations ?

  • Mireille Wenner

    Après, disons qu'il va y avoir un diagnostic si l'élève a une dysgraphie. Ça dépend à quel niveau, à quel moment de l'enseignement on se situe. Quand on est au début, de toute façon, on a toujours aussi ces questions d'apprentissage. qui peut être être plus ou moins long, donc il y a toute une période où on ne sait pas si on est face à un vrai trouble ou si juste c'est une lenteur d'apprentissage. Donc au début, on va mettre les moyens pour travailler sur l'écriture avec tout ce qu'on connaît, travailler sur les représentations de la lettre, travailler sur le geste, sur la production du geste. Et puis si vraiment on voit qu'il y a des difficultés extrêmement fortes, à un moment donné, il arrivera sûrement un diagnostic. Et quand on rentre dans le trouble, il y a certes la rééducation qui doit se faire. mais il y a aussi la compensation et le contournement qui doivent se mettre en place à l'école. Puisque le souci, c'est comme pour un dyslexique qui aurait des difficultés à lire, lecture et écriture, c'est vraiment les deux supports de l'apprentissage tout au long de la scolarité. Donc, à partir du moment où l'élève est en très grosse difficulté sur un de ses mécanismes, donc là, sur l'écriture en l'occurrence, ça veut dire du coup qu'il va être en difficulté dès qu'il doit copier, dès qu'il doit prendre des notes, dès qu'il doit écrire un texte ou même dès qu'il doit copier un énoncé. Et du coup, toutes ces ressources cognitives vont être allouées à cette tâche d'écriture, au détriment de ce qu'il doit en faire. C'est-à-dire que tout le temps qu'il va passer à copier son énoncé de maths, c'est du temps en moins pour comprendre cet énoncé, pour comprendre ce qu'il doit faire. Donc, il risque d'échouer dans la majorité des tâches scolaires. Et là, évidemment, ça se fait en parallèle de la rééducation, mais le rôle de l'enseignant, ça va être de trouver des moyens pour qu'il ait moins à copier. Parce qu'un élève qui est en difficulté, copier en même temps qu'il fait d'autres tâches, Ça ne va pas l'aider à automatiser, ça va juste lui faire une charge supplémentaire qui va détériorer ses autres apprentissages. Donc évidemment, on va plus lui donner de photocopies, on va plus parler à l'oral, lui expliquer la consigne à l'oral, la répéter, plutôt que lui demander de copier un certain nombre de choses. Donc voilà, c'est ces deux idées qui doivent coexister, la rééducation, mais qui est plutôt faite par des professionnels, je dirais à l'extérieur de l'école à un moment donné, et puis le contournement en classe pour que l'élève puisse continuer à apprendre. malgré les difficultés qu'ils rencontrent dans l'écriture.

  • Florence Bara

    Je vous propose qu'on écoute un extrait d'un autre épisode d'une autre famille de podcasts d'extra-classe qui est entre profs. C'est l'épisode numéro 5 où on entend une enseignante, Aurélie Hollard, qui explique ce qu'elle propose à des élèves qui ont des difficultés d'écriture et qui ne peuvent pas se relire parfois. Et tout est dit dans le titre de l'épisode qui est « Dois-je donner des photocopies ou faire écrire mes élèves ? »

  • Speaker #4

    On a des élèves, même si on les fait écrire, Ils ne vont pas être en mesure d'avoir une graphie correcte ou d'aller au même rythme que les autres. Donc là, c'est vraiment en circulant dans notre classe, en fait, et en repérant les élèves qu'on va pouvoir voir si effectivement ils arrivent bien à écrire, s'ils arrivent à se relire, et auquel cas, si ce n'est pas possible et qu'on a discuté avec eux, on peut leur proposer la trace écrite. Mais là, ça va être quand même davantage du cas par cas.

  • Florence Bara

    Florence Barr, une réaction à cette efficacité de vouloir faire écrire à tout prix, alors qu'une photocopie, ça peut... pour solutionner le problème ?

  • Mireille Wenner

    Il y a toujours l'idée qu'on apprend en s'entraînant. Pas toujours, comme je vous disais. Si ça devient une surcharge, si c'est une surcharge cognitive de gérer à la fois la lecture et l'écriture, par exemple, parce qu'on va copier, il faut lire en même temps et il faut comprendre surtout. À ce moment-là, on ne s'entraîne plus. On est juste en souffrance à avoir trop de choses à copier. On va avoir des élèves qui s'épuisent parce que c'est trop difficile pour eux de copier. Et du coup, ils ne s'entraînent pas du tout. Ils vont plutôt arriver à un rejet de l'écriture, c'est plutôt ce qui va se passer si on a un élève qui est en difficulté avec le geste moteur et qu'il a toute la journée des tâches d'écriture, des tâches d'écriture. il ne va pas s'entraîner, il va se lasser et ça va se faire au détriment des autres apprentissages. Donc quand on est dans l'entraînement, on est vraiment dans l'entraînement. C'est-à-dire que ça ne me met pas en retard si je n'ai pas réussi à faire cette tâche de copie, ça ne me met pas en retard sur les apprentissages scolaires que je dois faire. L'entraînement, ce n'est pas censé mettre en retard. Voilà, c'est ça que je voulais dire.

  • Hélène

    Ça fait écho avec la notion de cœur de cible. Donc, qu'est-ce qu'on vise exactement ? Si on est en histoire-géographie et que le but, c'est d'acquérir des connaissances en histoire ou en géographie, et que l'élève n'arrive pas à relire ce qu'il écrit, ça va être contre-productif pour lui. En plus, ça va le dégoûter un petit peu de l'écriture aussi, parce que si c'est une difficulté et qu'il n'arrive pas à se relire et qu'on le fait écrire tout le temps, après, il y a aussi, moi je vois aussi beaucoup ça en collège, de... Il faut que les élèves écrivent parce que sinon, qu'est-ce qu'ils font pendant ce temps-là ? Donc, il y a des habitudes à mettre par rapport à ça. Peut-être dire à l'élève, je te donne la photocopie, mais tu vas te relire. Et puis, je te poserai une ou deux questions. Tu vas lire le cours pendant que les autres l'écrivent. Il faut essayer de le motiver à s'occuper pendant que les autres écrivent parce que le temps d'écriture est assez long en classe, surtout au collège.

  • Florence Bara

    Oui, Mireille, vous qui avez été justement aussi enseignante en Ulysse Collège, Un élève qui arriverait en collège avec une écriture cassée, est-ce que c'est rattrapable en collège ?

  • Hélène

    C'est rattrapable à tout moment, mais comme je disais, souvent c'est une habitude qu'on a prise, une façon d'écrire, une façon de tracer les lettres, tout ça c'est des habitudes qui sont très bien installées et il faut avoir la volonté de changer. Donc c'est un petit peu compliqué. Alors quand un élève n'arrive pas à se relire, on arrive souvent à le convaincre, on dit bon, clairement il faut qu'on fasse quelque chose. Mais par exemple, on a aussi une des réparations d'écriture qui est la plus compliquée, c'est une élève ou un élève qui écrirait très bien, mais très lentement. Parce que pour lui, son geste, son écriture, elle est très lisible, elle est surtout très belle, et c'est compliqué de lui dire il faut que tu remettes en question ces habitudes d'écriture que tu as bien installées.

  • Régis

    Florence Barra, vous nous disiez que l'automatisation du geste d'écriture, elle s'acquiert finalement un peu avant l'arrivée au collège, c'est ça à peu près, dans ces âges-là ?

  • Mireille Wenner

    Oui, c'est ça.

  • Régis

    Ça veut dire quand même qu'on est peut-être très exigeant, ce qu'on a l'impression d'être une écriture peut-être pas maîtrisée, un problème, etc. C'est peut-être simplement qu'il faut encore un peu de temps.

  • Mireille Wenner

    Oui, alors c'est sûr qu'on a souvent un niveau d'exigence quand même assez élevé pour un apprentissage qui est très long. On a souvent même cette idée qu'arriver au cycle 3, c'est bon. Ils doivent pouvoir copier de manière assez habile. On a fini la phase, on va dire, d'apprentissage. On est encore quand même dans une automatisation qui se met en place petit à petit. Et ça veut dire qu'autour de 10 ans, c'est la moyenne des enfants qui arrivent à cette automatisation. Mais il y en a plein qui n'y arrivent pas, bien sûr. Donc, on a un peu tendance des fois à se... caler sur ceux qui arrivent le mieux aussi, qui maîtrisent, il y a des différences inter-individuelles très fortes. Donc, on a une exigence de toute façon très forte par rapport à l'écriture. Et surtout, le souci, je dirais, c'est qu'on part assez vite du principe que ce n'est plus une tâche coûteuse. Donc, on va souvent avoir l'impression que copier quelques lignes, ce n'est pas coûteux. Ça l'est encore pendant longtemps. Pour la majorité des enfants, ça l'est quand même tout le long de primaire, et même au collège, il y a encore énormément d'enfants pour lesquels c'est une tâche coûteuse. Donc, c'est ça aussi, c'est prendre en compte le fait que ça reste une tâche coûteuse et que même ceux qui arrivent à le faire, c'est quand même coûteux pour eux. C'est-à-dire que même eux, ça leur coûte et c'est au détriment aussi d'autres aspects. Alors évidemment, chez les bons élèves, ça ne se voit pas parce qu'ils ont tellement de ressources que même quand c'est coûteux, ils arrivent quand même à comprendre tout ça. Mais il faut bien garder en tête que l'écriture reste toujours une tâche coûteuse, d'ailleurs même pour un adulte parfois. juste pour la petite anecdote, il y a quand même des recherches qui montrent que... Chez les adultes qui prennent des notes, les étudiants, l'écriture est très coûteuse, plus que le clavier. Alors avec des effets qui peuvent être positifs, parce qu'il y a une recherche qui avait comparé les prises de notes chez des étudiants à la fac entre ceux qui prenaient au clavier et ceux qui prenaient en écriture manuscrite. Et en fait, les étudiants qui prenaient en écriture manuscrite réussissaient mieux. Alors ce n'est pas un effet magique de l'écriture manuscrite, mais c'est comme c'est plus coûteux. Ils écrivaient moins et du coup, ils synthétisaient plus le cours. Donc en fait, ils faisaient un premier travail. beaucoup plus fort de réflexion autour du cours pour finalement prendre moins de notes parce que c'est coûteux. Et ceux qui étaient au clavier, ils notaient tout parce qu'ils vont beaucoup plus vite avec la frappe au clavier. Donc voilà, pour retenir deux choses, ça reste coûteux. même pour un adulte, mais parfois le fait que ça soit coûteux, ça peut avoir des bénéfices, puisque du coup, on fait un travail avant pour écrire moins.

  • Florence Bara

    Et sur le lien Florence Barra, entre lecture, écriture et orthographe, est-ce que les difficultés sont liées ? Il y a un lien de l'un vers l'autre et dans quel sens peut-être ?

  • Mireille Wenner

    Alors, il y a un lien bidirectionnel. On va dire qu'on sait que plus les lettres à produire sont complexes à un niveau moteur et plus j'ai de chances de faire des fautes d'orthographe. et vice-versa, plus les mots sont faciles à produire et plus je vais écrire vite. Donc il y a vraiment une interaction entre les deux, c'est complètement bidirectionnel. Ça reste le même système, c'est un système alphabétique lecture-écriture. Au fur et à mesure qu'on apprend à écrire, on construit des réseaux neuronaux qui sont spécifiques à la reconnaissance des mots et à leur écriture. Donc on est dans un système langagier de correspondance entre des lettres et des sons, des des formes visuelles qu'on va voir et des formes qu'on va tracer avec un geste moteur. Mais ça reste le même système, donc ce n'est pas surprenant qu'il y ait des interactions très fortes entre ces différents systèmes.

  • Régis

    Alors peut-être pour terminer, Mireille, j'avais envie d'une petite... C'est pareil, j'ai une question un petit peu qui gratte, mais est-ce que c'est grave de ne pas bien écrire, surtout pour des élèves, qu'on voudrait motiver à bien écrire quand toute la société autour d'eux... J'exagère peut-être, mais presque quand même. Effectivement, le modèle des adultes, etc., n'écrit pas, en fait, ou n'écrit plus, ou peu. Est-ce que, finalement, les alternatives, effectivement, numériques ou autres, peuvent prendre le pas à partir d'un certain moment, et puis ce n'est pas grave ?

  • Mireille Wenner

    Alors, justement, si... On va dire qu'à la fin du collège, le geste est automatisé et arrive le lycée. Et là, maintenant, la norme, c'est qu'au lycée, ils reçoivent un ordinateur. Et donc, si le geste d'écriture était douloureux, était lent avant d'avoir l'ordinateur, pendant ces trois années de lycée, ils ne vont quasiment pas écrire. Mais arrivé au bac, les épreuves, pour l'instant, la plupart se passent avec un stylo dans la main et on doit écrire. et souvent... On entend les élèves qui sortent des épreuves du bac, même après si c'est des épreuves écrites à l'université, de dire qu'ils ont mal à la main, mal au bras, parce qu'ils ont même perdu l'habitude d'écrire, en tout cas plusieurs heures de suite quand on fait un examen.

  • Florence Bara

    Peut-être juste pour rebondir là-dessus, on parlait au début des prérequis de motricité fine, tout ça, mais il faut savoir que l'écriture, c'est un exercice de motricité fine et qu'à force d'écrire... on entraîne aussi sa motricité fine. Et il n'y a pas beaucoup d'études, mais il y a des études qui montrent que les adultes qui écrivent énormément au clavier ont aussi des habiletés motricité fine qui régressent un petit peu. Donc, c'est aussi un exercice de motricité fine et ça développe aussi quelque chose.

  • Mireille Wenner

    Ce qu'il y a, c'est que les adultes n'ont pas besoin d'aller passer le baccalauréat. Parfois, ils ont besoin d'écrire quand même dans la vie professionnelle. Ça peut diminuer en autonomie, parfois.

  • Hélène

    Merci beaucoup à toutes les deux pour ces indications, ces conseils. Et puis aussi, peut-être parfois, on a relativisé des inquiétudes qu'on pourrait avoir. Il faut se donner le temps, peut-être. On passe à un temps d'inspiration. On vous a demandé toutes les deux de réfléchir à quelque chose que vous auriez envie de partager avec nos auditeurs et auditrices. Je commence avec vous, Mireille.

  • Mireille Wenner

    Je vous ai beaucoup parlé de la tenue, du paniement, ce pouce qui passe devant, les doigts qui peuvent devenir d'une couleur écarlate et à la fois blanc. Je ne vous ai pas prévenu au début, mais je vous ai peut-être inoculé un virus. Parce que maintenant, à chaque fois que vous verrez quelqu'un écrire à l'école, à la banque, le serveur, au restaurant, vous ne pourrez plus vous empêcher de voir peut-être ce qui ne va pas, ce pouce qui passe devant. et et qui bloquent complètement l'écriture. Mais vous pourrez constater que pour certains, le résultat final finalement est tout à fait acceptable et que pour d'autres, on a des petites pattes de mouche.

  • Hélène

    Florence, est-ce que vous avez une inspiration qui vous vient ?

  • Florence Bara

    Alors moi, j'aurais envie de proposer aux enseignants aussi de se donner un peu plus de liberté par rapport aussi à cet apprentissage de l'écriture, en visant plus la finalité, en étant moins stressé aussi par ce cadre très normé, qui des fois peut détourner l'enfant du but final. qui est à un moment donné de pouvoir écrire en autonomie, de pouvoir aussi produire des textes, de pouvoir réfléchir sur ce qu'on a écrit. Et ça, du coup, c'est... Moi, j'ai travaillé pas mal, enfin, quelques années au Québec et le cadre était plus souple et ils n'étaient pas moins bons scripteurs. Il y avait, voilà, ils écrivaient sur une seule ligne, ils écrivaient en écriture script. Il y avait des normes de lisibilité, mais pas de belles écritures calligraphiées. Et du coup, ça, c'est quelque chose aussi que j'ai envie d'apporter un peu en France. Ça ne veut pas dire qu'on laisse faire n'importe quoi. Évidemment, il faut que l'écriture soit fluide et lisible. Mais ça veut dire que peut-être on peut s'écarter un peu d'un cadre hyper normé.

  • Régis

    Une inspiration presque en forme de conclusion. Donc, pour terminer cet épisode, j'ai envie de dire à ceux qui nous écoutent, votre ado ou vos élèves sont avachis sur leurs feuilles. Elles ont l'air toutes de travers. Ça n'est pas grave. Ça n'est pas grave. Son écriture est cassée, vous pensez qu'il est trop grand pour que ça puisse se réparer ? Faux, ça peut se réparer. Donc allez voir un petit peu en ligne ce que proposent nos invités, j'ai envie de dire, sur cet épisode, et notamment beaucoup de mythes autour de l'écriture. J'espère qu'on en a chassé quelques-uns, quelques réalités à aller explorer. Merci beaucoup Florence Bara et Mireille Wenner pour cet épisode.

Chapters

  • Le geste fondateur pour préparer l'écriture

    04:16

  • Enseigner l'écriture : de bien écrire à écrire vite ?

    21:53

  • Réparer l'écriture : les maux des mots

    33:44

  • Inspirations des invitées

    47:53

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