- Extra classe
Bienvenue dans les énergies scolaires, épisode 175.
- Marie-Odile Perrin Bertrand
Bonjour, je m'appelle Marie-Odile Perrin Bertrand, je suis professeure de SVT au collège Émile-Cizain à Montluel, dans l'Ain, et je suis également responsable EDD et formatrice.
- Extra classe
L'école, on en parle beaucoup, mais est-ce qu'on l'écoute vraiment ? Les énergies scolaires.
- Marie-Odile Perrin Bertrand
Allez les élèves, c'est parti ! Vous vous mettez par classe, les 6e A, les 6e B, là tous vous vous rangez bien. Et puis on y va, c'est parti, on traverse Montluel, vous connaissez le chemin.
Alors aujourd'hui c'est une journée très particulière qu'on prépare depuis environ un an. C'est un événement EDD qui est proposé par les éco-délégués. Et donc nous allons assister à la projection du film Frères des arbres et aussi rencontrer le réalisateur Marc Dosier et Mundiya Kepanga qui est le chef papou de la tribu des Hulis, qui est le personnage principal du film et qui est très impliqué dans la protection des forêts. Ce matin, tous les sixièmes iront voir le film et rencontrer pendant une heure et demie Mundiya Kepanga. L'après-midi, ce sera au tour des cinquièmes et ce soir, ce sera tous les habitants de Montluel, les parents, toutes les personnes intéressées par ce sujet qui auront aussi cette chance de voir le film et de rencontrer le réalisateur et le chef Papou.
- Échanges pendant la projection
Bonjour, ça va ?
Alors je m'appelle Mundiya Kepanga. Je viens de Papouasie-Nouvelle-Guinée d'une tribu qui s'appelle la tribu des Hulis qui vit dans les montagnes. Chez nous, nous transmettons de génération en génération ces messages autour de l'environnement. Nous apprenons aux plus jeunes que les hommes sont les frères des arbres, que si tous les arbres disparaissent, les hommes vont disparaître à leur tour. Donc pour moi, c'est tout à fait normal de transmettre ces valeurs aux jeunes générations, à mes enfants, à mes petits-enfants, et tout le monde fait la même chose dans notre village. C'est essentiel pour nous.
On y va à pied, hein ?
- Marie-Odile Perrin Bertrand
Après les projections, on va aller dans la cour, et avec le chef Papou, on a décidé de planter un arbre dans un espace particulier de la cour, qui est là parce que depuis trois ans nous avons souhaité qu'il évolue. En effet, dans cette cour qui est la plus grande de l'Ain, qui est aussi la plus bitumée, nous avons souhaité qu'une partie soit débitumée pour être arborée. Donc depuis, on a planté 200 plants aromatiques, une vingtaine d'arbres.
- Échanges avec les élèves
Madame, on va le planter où ?
On peut vous mettre autour.
C'est collé où ? Je ne sais pas.
- Marie-Odile Perrin Bertrand
Et les éco-délégués et les élèves du Club Jardin, dans le cadre de l'EDD, sont impliqués dans une association qui s'appelle Fort pour Demain. À partir de 4 hectares de roncier, nous avons créé une forêt jardin avec la plantation de plus de 1000 arbres fruitiers avec des techniques de la permaculture. Et donc, depuis 3 ans, les élèves du collège vont en forêt, plantent des arbres et comprennent tout le fonctionnement d'un écosystème et surtout l'impact de la création de ces arbres sur le réchauffement climatique.
- Échanges avec les élèves
On met un petit peu de terreau au fond, vous savez, comme on a appris dans le jardin forêt. Attention !
- Mundiya Kepanga (traducteur)
Il veut casser les racines. Alors maintenant que vous avez vu le film, maintenant il faut passer à l'action. Il ne faut pas juste parler, mais il faut agir. Alors je vous invite maintenant à agir, à planter un arbre, parce que vous aussi, vous devez être des sœurs et des frères des arbres.
- Marie-Odile Perrin Bertrand
On dit oui à Mundia ? Yeah !
Cette journée, elle n'arrive pas par hasard parce que, en fait, depuis plusieurs années, on a une habitude au collège, c'est qu'on choisit un moment fort en fin d'année pour pouvoir inspirer les élèves. Ça peut être une rencontre avec un réalisateur, ça peut être une rencontre avec une troupe de théâtre. Je savais que la cour allait être complètement renouvelée et je voulais trouver un moment fort pour fêter, en fait, cette nouvelle cour. Donc, je cherche comme ça sur Internet un spectacle, un film en lien avec les arbres, je tombe sur Frères des arbres. Ça me plaît à deux niveaux. Le premier, c'est qu'il y a une rencontre possible avec le réalisateur et avec Mundiya. La deuxième chose, c'est que je me rends compte qu'il y a une valise pédagogique sur le site qui est incroyable, qui est faite vraiment par des enseignants en lien avec les programmes, sur toutes les disciplines. Et là, je me dis, il y a un vrai fil rouge qu'on va pouvoir monter. Et un certain nombre d'enseignants qui étaient partie prenante dans le projet ont modifié leur programmation. pour qu'on puisse, à un moment ou à un autre, parler de la forêt ou des arbres. Donc en maths, par exemple, on a travaillé sur la symétrie des feuilles. En français, tous les bouquins ont été changés pour qu'on puisse choisir des ouvrages en lien avec la forêt. Nous, évidemment, en SVT, on a travaillé sur les forêts primaires, vous voyez. L'idée, c'est qu'au fil de l'année, en fait, se tisse chez les élèves toute une culture autour du thème du fil rouge et que, mine de rien, au bout d'un an, il y a un vrai bagage culturel qui se soit construit, mais aussi qu'il y ait une vraie conscience nouvelle, qui puisse être vivante au fond de leur cœur et au fond de leur intelligence.
- Échanges avec les élèves
Du coup, j'ai créé un poème que j'ai promis à Kepanga pour lui montrer que je suis impliquée, genre que je me sens impliquée dans tout ce qu'il fait et que j'ai envie de lui montrer que ça me tient à cœur, la cause qui protège aussi.
Lui, il ne sait pas lire. Toi, tu as la chance de savoir lire, alors il t'écoute.
Ma forêt, ma forêt de rêve, elle est douce et mystérieuse, se déploie en silence, vaste et généreuse. Ses arbres majestueux, gardiens du temps, bercent le vent, légers, caressent l'instant.
- Marie-Odile Perrin Bertrand
Alors il y a un autre thème qui est très important dans cette rencontre, c'est la découverte d'une autre culture. Il faut savoir que grâce à cet événement, depuis le début de l'année, on s'est posé mille et une questions sur la vie de Mundiya. On sait qu'il est né sous un arbre, on sait que pendant les 40 premières années de sa vie, avant qu'il rencontre Marc Dosier, il ne vit que dans la forêt, il ne savait ni lire ni écrire, et que tout ce qu'il avait appris venait d'une transmission orale par les anciens. À partir de là, j'ai eu l'idée de me dire que tout ce que j'allais leur transmettre et apprendre sur la vie de Mundiya, eh bien on allait le faire comme Mundiya, c'est-à-dire dans la nature, et avec une transmission orale. C'était fini les cahiers, c'était fini l'écriture, on s'est mis dehors. J'avais l'impression d'être un peu le sage qui transmet aux plus jeunes. Et ce que j'ai pu voir, c'est que tous les élèves, quel que soit le niveau, quel que soit, j'ai envie de dire des fois aussi l'implication dans leur scolarité, tous avaient qu'une envie, c'était vraiment de lui poser plein plein de questions. Et s'est construit vraiment une projection sur ce que ça peut être qu'un homme qui vit sur la même planète que nous, mais qui ne vit pas du tout la même vie que nous. Et ça pour le coup je trouve que c'est très important de se décentrer de notre monde occidental et de se dire, ça y est, j'ai compris, je sais comment il vit, je sais comment il fait. Mais c'est dingue que j'aie pu rencontrer cette personne qui vit de façon si différente que moi.
- Échanges avec les élèves
On va prendre une photo des écodélégués.
- Marie-Odile Perrin Bertrand
Grâce à ça, je suis certaine qu'il va y avoir plein de déclics. Des déclics d'envie de protéger la nature, des déclics d'envie de se poser des questions que les élèves ne se seraient jamais posées. De prendre conscience aussi de l'impact que ça peut avoir une forêt sur le climat. Et je sais que cette journée elle va être une occasion incroyable de planter des petites graines de conscience chez chacun de ces élèves et peut-être qu'elle va être un élan chez chacun d'eux pour qu'il y ait un avant et un après et que leur rapport à la nature soit complètement différent. En tout cas, c'est ce que j'espère du fond du cœur.
